Pour une rare fois, Robert Morin semble être passé à côté de son sujet. En fait, son 3 histoires d'Indiens semble aussi rapiécé que l'antenne que fabrique l'un des personnages (pourtant elle finit par fonctionner). Ses récits, anecdotiques, forment difficilement un tout cohérent, bien moins stimulant narrativement ou thématiquement parlant que certaines de ses oeuvres récentes et que ses grands classiques qui ont (re)défini le cinéma québécois. C'est peut-être bien le sujet qui force cette impression, la situation des Indiens étant bien différente de celle des junkies, des militaires ou des fraudeurs. Est-il nécessaire de réhabiliter ceux qui, aussi méconnus qu'ils soient, ne sont pas aussi ostracisés que ces autres héros des épopées morinesques?
Comme il le fait régulièrement, le réalisateur pose sa caméra sur un monde réaliste, forçant par cette mécanique une réflexion sur le vrai et le faux dans la représentation cinématographique. On passe ici d'un à l'autre, ce qui contribue à la confusion et à l'intérêt inégal des trois récits qui se fusionnent; alors que le débrouillard Érik essaie de construire une antenne pour diffuser des images et éveiller sa communauté à sa propre spécificité en s'adressant directement à la caméra, Shayne erre en silence, ses écouteurs sur les oreilles, tandis que trois filles développent un culte pour une Autochtone canonisée.
Or, cette la démarcation entre le réel et la fiction, toujours centrale chez Morin, est ici plutôt faible, vu les disparités évidentes entre les récits confirmées par les dénouements à l'opposé. Jamais on ne méprendra 3 histoires d'Indiens pour un documentaire, ce qui aurait permis d'y sous-entendre des phénomènes sociaux, pas plus qu'on ne le verra comme un film de fiction. Entre les deux, les moments signifiants se diluent, dans une confusion thématique bien regrettable qui a cependant ses moments anthropologiques de grande valeur.
Même la finale laisse cette impression mi-figue, mi-raisin, proposant d'un côté l'accomplissement improbable d'un jeune homme parvenant à transformer des ressources limitées en ressources illimitées par sa seule détermination, et la fin tragique d'un autre, ouvert aux réalités palestiniennes. Pourtant, même à la fin, une impression d'impudeur dérangeante liée au portrait d'Érik ne nous quitte jamais.
On est plus près du Journal d'un coopérant que des inoubliables Requiem pour un beau sans-coeur, Quiconque meurt, meurt à douleur et Papa à la chasse aux lagopèdes. Le réalisateur passe à côté de son sujet mais il ne rate pas son film; c'est du Morin après tout, le plus réaliste des poètes du cinéma québécois, et 3 histoires d'Indiens a la grande qualité d'aborder un sujet pratiquement inédit. On le verra donc comme un ajout pertinent à une filmographie déjà extrêmement riche.