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Couple et job.
On va tout de suite s’enlever de la tête la dernière scène parfaitement inutile, exagérément féministe (dans le mauvais sens du terme) et pas loin d’être ridicule, même si on comprend le but de la réalisatrice Chloë Domont. C’est une séquence maladroite, qui va à rebours du reste et qui empêcherait presque cet excellent « Fair Play » de tutoyer les sommets si on ne retenait qu’elle. Il serait presque utile et nécessaire de s’arrêter cinq minutes avant, la scène précédente concluant parfaitement le long-métrage et se suffisant à elle-même. Ceci mis de côté, voilà un suspense original et magistral disséquant la dynamique du couple sous tous ses angles par le prisme du travail. En effet, on y voit un couple officier dans la même société qui se délite et se détruit suite à la promotion inattendue de la jeune femme. On aurait pu croire à une œuvre féministe outrancière ou à un regard caricatural sur la jalousie dans le couple et bien c’est tout le contraire qui se produit, le film étant d’une justesse d’écriture et d’une acuité incontestable.
De plus, c’est un premier film pour la jeune Chloë Domont et sa maîtrise sur son projet à tous les postes est clairement impressionnante. Son scénario est doté d’une écriture ciselée où chaque réplique est bien pensée et fait l’effet d’une petite bombe, chaque séquence dialoguée distille son poison jusqu’au point de non-retour et chaque petit geste ou regard a son importance et transpire la logique et le réalisme. Mais cela ne suffirait pas sans une mise en scène qui met tout cela en valeur. Travaillée, froide et clinique, comme si elle auscultait le moindre agissement des deux protagonistes par le biais d’un microscope (les plans de loin où les deux sortent de chez eux et partent au travail), elle s’avère également chic, en totale adéquation avec le milieu très huppé où se déroule l’action. Couleurs froides pour le bureau et plus chaudes pour l’appartement sont du meilleur effet. Wall Street, la finance et le monde des fonds d’investissement sont parfaitement dépeints et si on ne comprend rien au jargon financier ici, cela importe peu - voire pas du tout - puisque ce n’est pas le sujet de cette œuvre mais que cela donne un aperçu de la complexité des hautes sphères où ces deux jeunes tourtereaux évoluent et sans cliché.
« Fair Play » est également dans l’air du temps puisqu’on y montre la place de la femme au sein d’un microcosme machiste et carnassier où petites remarques humiliantes et blagues lourdes sont monnaie courante. Le sexe féminin doit montrer davantage les crocs dans un tel milieu et c’est dépeint de manière fine, sans manichéisme, avec un certain nuancier (le grand patron n’a aucun problème à promouvoir une femme et la féliciter puisque c’est la meilleure). L’alchimie des deux acteurs est indéniable même si c’est Phoebe Dynevor qui épate le plus en petit oiseau fragile qui a des couilles. La montée en tension et le déchirement progressif du couple est intense et suffoquant. On sent que le point de bascule peut être atteint du jour au lendemain et la jalousie (ou l’envie) du personnage masculin ne sont pas exprimés à gros traits, mais par petites touches plausibles et sous forme d’escalade. On est donc face à une œuvre tout à fait originale et maîtrisée, sans fausse note ni baisse de rythme, qui vous scotche à votre fauteuil sans discontinuer en plus de pointer du doigt le monde impitoyable des grandes entreprises du point de vue féminin. Et en étant un film féministe qui ne sombre pas dans l’outrance et le male bashing...
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