Le genre de la « comédie romantique » a peut-être faussé nos perceptions quant à la capacité du cinéma à mettre à l'écran des histoires d'amour matures et sérieuses. Parfois, certains films le font, comme pour nous réconcilier avec un genre qui a pourtant beaucoup d'émotions - fortes et diversifiées - à offrir. Comme c'était le cas avec Closer - qui ne présentait que les moments de rencontre et de rupture des couples (entre les deux, cela revient souvent au même, d'un film et d'une vie à l'autre) - Blue Valentine ne montre que le début et la fin des relations, mais de manière simultanée, opposant amour et déchéance dans ce qui créé une émotion étrange et inhabituelle qui mélange enthousiasme et tristesse. C'est un peu ce qu’il y a à trouver (en tout cas ce qu'on cherche), au cinéma, ces émotions rares (ou fortes) que la vie ne nous apporte pas toujours.
Derek et Cindy vivent ensemble depuis plusieurs années. Ils ont une petite fille, Frankie, et sont soumis aux mêmes problèmes que rencontrent tous les ménages. Conscient que son mariage est en péril, Derek loue une chambre d'hôtel où il emmène sa femme, en espérant que ces quelques heures passées en dehors des soucis du quotidien les aideront à surmonter les difficultés qu'ils rencontrent et à retrouver la flamme qui les unissait à leurs débuts.
La caméra du réalisateur Derek Cianfrance s'immisce dans l'intimité du couple avec autant de facilité lorsque vient le temps de raconter les moments heureux de cette belle histoire entre une jeune étudiante qui rêve d'être médecin et d'un déménageur bourré de qualités (il est travaillant, il est beau, il aide les personnes âgées et il sait être amoureux). C'est la déchéance des humains qui vient avant la déchéance du couple : il est devenu alcoolique et perd ses cheveux et elle est simple infirmière. Quelque chose qui ressemble à la vie.
Les performances de Michelle Williams et de Ryan Gosling sont aussi particulièrement senties et permettent au film de maintenir cet équilibre précaire entre le drame et la romance qu'il essaie d'établir. Mais les noeuds dramatiques demeurent simples et c'est leur accumulation qui fait le drame, sans que le tout ne paraisse anecdotique. Dean et Cindy sont suffisamment attachants pour êtres des héros pour lesquels il est facile de ressentir de l'empathie; et c'était absolument essentiel. Il y a malheureusement quelques longueurs et flottements dramatiques qui viennent en diminuer l'efficacité; des redites qui n'ajoutent ni au récit ni à l'émotivité.
Ces quelques longueurs ne viennent pas gâcher la beauté cruelle de cette petite tragédie, de cette dérive du rêve américain - dans le sens de rêve des Américains; lui, travailleur et patriote, et elle, femme dévouée et maternelle. L'illustration est puissante et le film qui en découle aussi. Dans la simplicité des moyens, mais dans la complexité des personnages et du récit. Les histoires d'amour valent bien ce traitement mature et crédible proposé par Blue Valentine.