Cinoche.com est allé à la rencontre des artisans et acteurs du film La rage de l'ange, réalisé et scénarisé par Dan Bigras, à la veille de la sortie du film.
Voyez aussi des photos du tapis rouge, présenté plus tôt cette semaine en présence des tous les acteurs du film. Cliquez ici pour voir la galerie photo.
Dan Bigras (Réalisateur, scénariste, père de Francis)
De facto, on demande à Dan Bigras de décrire son film. "L'histoire de trois anges enragés, des enfants massacrés. Comment ils se reconstruisent. Ils décident de vivre. Et puis boum, le film commence. À partir de "Qu'est ce qu'on fait?".
Et sans attendre non plus, comme pour illustrer son propos, Bigras nous parle d'un jeune garçon qu'il côtoie régulièrement au centre-ville de Montréal. "Ce petit gars là, les gens trouvent qu'il a l'air enragé. Il n'a jamais voulu de mal à personne. Ce petit gars-là s'est fait violer par son père, j'espère bien qu'il est enragé, il serait mort câlice. Il a besoin de sa rage pour survivre. La rage c'est un tabou que je veux démolir à coup de poing parce que je trouve ça épouvantablement dangereux. La rage, c'est pas une question de soi. La question qu'on peut se poser, par exemple, c'est : "qu'est-ce que je vais avec?" Tu peux détruire, ou devenir comme son agresseur ", dit le réalisateur, "Dans ce cas-là c'est pas mal foutu, tu te regardes dans le miroir et tu ressembles à celui qui t'a fait mal."
Mais ce n'est pas ce qu'il veut dire avec son film. "Ou tu peux essayer de reconstruire. C'est un film optimiste, mon film. C'est un film sur la reconstruction."
Alors, comment s'est-il élaboré? Comment écrit-on une histoire d'anges enragés, de reconstruction, de pardon? "Je ne savais absolument pas ce que je faisais, je suis parti en écriture automatique. J'ai écrit pendant, peut-être un an, sans savoir ce que je tenais. Là, je me suis aperçu que je n'étais pas écrivain pantoute. Des gens qui décrivent des paysages pendant quatre pages et que c'est trippant. Ben je ne suis pas comme ça. Je le voyais le paysage, alors je me suis dit : je vais le filmer. C'est aussi simple que ça."
"Je l'ai écris de la perspective d'un père qui a maltraité, mais d'un père qui a compris. Faire un film sur "faux enfants, mauvais parents" ça aurait été pas vrai, injuste. C'est la perspective d'un adulte qui a mal fait, qui a voulu réparer. Qui a payé le prix de la violence, et qui a compris."
Et par rapport au contenu du film, sa part de réalité et de fiction ? "Aucune recherche. Je ne cherchais pas vraiment à voir la vérité historique. Il y a des affaires comme l'initiation de gang de rue, c'est vrai, ça existe, sauf que debout sur des poutres, ça n'existe pas ça. Je l'ai sorti de mon cerveau malade. Et la rue elle-même, c'est un mélange de la rue de maintenant et de celle que j'ai connue il y a 30 ans."
Pour son créateur, alors, comment un film si personnel doit-il être perçu? À motivations personnelles, intentionnes personnelles. "J'ai pas de prétention. J'ai entendu des commentaires de gens qui sortaient des projections qu'on a eues, des gens qui disaient : "Bon, on va aller à la maison, et on va serrer nos enfants dans nos bras." Si jamais j'entends parler d'un père et d'un fils qui ne se parlaient plus qui se sont reparlés, mais job est faite."
Dans Bigras, qui joue aussi dans le film, l'a fait parce qu'il n'avait pas d'autre choix. Comme si on avait besoin d'une autre preuve de son implication. "J'aurais aimé ça faire Deux Faces, j'aurais joué dans mon film pour le fun. Là, j'ai joué dans mon film parce que c'était nécessaire. Je me suis tapé le voyage."
Des projets pour le futur ? "Refaire de la musique, ça me manque un peu. Je travaille sur d'autres mais scénario mais on commence avec celui-là, c'est un gros bébé pour moi. Je vais me laisser un peu de temps."
Isabelle Guérard (Lune)
La jeune actrice, qui est est à son premier film, décrit sont personnage avec beaucoup de candeur. "Lune, c'est une adolescente qui a vécu des abus de la part de son père. C'est une fille qui est fragile, est toujours sur une corde raide parce qu'elle ne se fait pas confiance. Mais en même temps je trouve qu'elle est forte, sa force c'est dans la réflexion, l'écoute." Non sans ajouter : "Je trouve qu'elle est très attachante, elle est aimable."
Et, comme premier film, c'est tout un défi pour la jeune femme. "J'appréhendais beaucoup, je me disais : "est-ce que je vais être capable d'aller, de plonger dans cette émotion-là? Tu peux pas avoir de demi-mesures, tu peux pas faker cette douleur-là."
Heureusement, la rencontre avec le réalisateur Dan Bigras a été très positive. "Dans la salle d'audition, il y a eu une chimie tout de suite. On avait une vision qui concordait par rapport au personnage."
Et l'impact du film, son message? "D'après moi le film va, premièrement, provoquer beaucoup de réflexion, sur les gens de la rue, oui, et le jugement qu'on porte. À chaque fois que j'en parle je vois un nouveau message."
Isabelle Guérard sera à la télévision prochainement, dans la deuxième saison de la série Le négociateur.
Alexandre Castonguay (Francis)
L'acteur, qui en est aussi à son premier film, a une vision bien particulière de son personnage. "Francis vient d'une famille aisée. Il ne consomme pas de drogue, il s'entraîne physiquement un peu. S'il part pas de chez eux… il va mourir je pense. Il faut qu'il sorte. Là-bas, dans la rue, il rencontre une fille qui va devenir sa blonde, et qui étais son amie d'enfance. Il veut juste vendre son petit pot, être avec sa petite blonde, il n'a pas l'ambition de se sortir de la rue, tout va bien. Il pense que dans la vie, il y a des bons et des méchants. Sauf que lui aussi en est un."
Et ce n'est pas tout. "Il est naïf aussi, il la connaît pas la rue, il vient de sa petite banlieue."
Alors, comment faire pour jouer ce personnage naïf, un tough, sans tomber dans le piège? "Il faut que ce soit fait dans le plaisir. Dan était là pour dé-dramatiser, pour swinger une binne quand c'était le temps, faire une petite joke."
Et pour donner une autre dimension à son personnage, Alexandra Castonguay avait aussi un plan. "Je me suis entraîné une centaine d'heure avec Dan et ses amis de combat ultime pour aller me chercher un corps de petit tough. À la boxe, il y avait des posters de Mohammed Ali, de Bruce Lee, avec leurs yeux, c'est ces yeux-là, cette attitude-là. La recherche s'est faite pas mal là."
Il n'a d'ailleurs que de bons mots pour le réalisateur : "Dan Bigras, c'est un chef d'orchestre. Il est habitué de travailler avec des équipes, il sait où est la limite. Il sait quand aller chercher l'autre. "
"J'ai toujours été fasciné pas le monde de la rue. J'ai des amis qui sont partis d'Abitibi pour aller dans la rue. Je les trouvais dont beaux, dont libres, je trouvais que les filles étaient belles. Je me suis rendu que c'est pas si le party que ça, c'est un monde très structuré. Pour nourrir ton chien et payer ta dope, il faut que tu soit à ce coin de rue-là à telle heure, l'air pas trop magané ni trop dopé, sinon les gens t'en donneront pas."
Et sans surprise, l'acteur prend au mot ceux qui qualifient La rage de l'ange de film coup de poing. "Dans le film là, y'a des crisse de claque. Ça dénonce un peu, c'en est une crisse de claques. Y'a deux sortes de claques, la claque qui peut faire du bien, la dernière claque, la claque ultime. Je ne sais pas qu'est-ce qu'elle va faire. Moi aussi j'attends. Moi j'ai les manches relevées et je suis prêt à dialoguer et à réfléchir."
Pierre Lebeau (Le Pape)
Qui est-il, ce fameux pape? "Un itinérant, qui revêt les habits sacerdotaux, les habits papaux. Ce n'est pas quelqu'un de dérangé, je pense que justement c'est quelqu'un qui ne veut pas être dérangé. Il est un peu à la frontière du réel et de la poésie. Un personnage qui ne s'en laisse pas imposer, qui en a vu je pense de toutes les couleurs."
Dans le film, Pierre Lebeau interprète une chanson. "Dan ne voulait pas que je chante, il voulait que je la dise, simplement, en poussant quelques notes. Dommage parce que c'est une chanson très belle et très simple."
L'acteur est content d'être de la distribution de La rage de l'ange, "Je suis très heureux d'avoir participé à ce film-là. D'avoir pu ajouter ma contribution. De tourner dans un film qui expose ces problématiques-là. Ça n'apporte rien de nouveau, ça nous redit encore une fois que ça existe. Mon côté cynique se demande, encore une fois, si, quand on a été touché, après quatre jours on a déjà oublié. J'espère que non."
Le mot de la fin revient à Alexandre Castonguay qui, selon son habitude, résume avec peu de mots mais beaucoup d'éloquence ce qu'on semble vouloir comprendre des commentaires recueillis.
"C'est quoi là, on culpabilise ou bien on se retrousse les manches et puis on se pardonne? On pardonne nos erreurs, et on ne cherche pas le coupable, et on avance."