Dans le cadre de la sortie de Maman est chez le coiffeur, le nouveau film de Léa Pool, Cinoche.com s'est entretenu avec les deux actrices principales, la jeune Marianne Fortier et Céline Bonnier, ainsi qu'avec la réalisatrice et l'acteur Gabriel Arcand.
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Scénarisé par Isabelle Hébert, le film prend l'affiche vendredi le 2 mai.
Marianne Fortier
Trois ans après son rôle dans Aurore, de Luc Dionne, la jeune Marianne Fortier décroche un nouveau premier rôle au grand écran – on ne me croira pas - à quatorze ans tout juste. Un deuxième grand défi pour la jeune actrice, qui a débuté, bien sûr, en audition. « Les auditions, c’est ça qui me rend le plus nerveuse... à part la post-synchro. Je trouve ça tellement dur! »
« Mais les auditions je trouve ça dur aussi parce que ce rôle-là, je le voulais vraiment absolument. Je pense que c’est du bon stress parce que je ne suis pas trop stressée. Le stress, ça veut juste dire que tu le veux. Mais trop, tu te mets à jouer mal et à être moins naturel. »
Et comment était Léa Pool sur le plateau? « Super. Ça paraît qu’elle a travaillé beaucoup avec les enfants. Elle a tellement l’approche. Elle m’a traitée comme une adulte. On a parlé ensemble du personnage, on a échangé, on a dit ce qu’on pensait. J’ai beaucoup aimé ça qu’elle me traite comme une vraie. »
Il a ensuite fallu travailler avec de très jeunes enfants. « Je me suis reconnue en eux. Pour Aurore, c’était moi la petite floune qui commençait et qui ne comprenait rien. Je me suis retrouvée en eux, des fois je leur donnais des trucs. »
« Je les ai trouvés vraiment professionnels. »
Es-tu meilleure lors de la première prise, ou lors des suivantes? « Ça dépend toujours. Pour certaines scènes on n’en avait pas vraiment parlé et ça paraissait. On était encore en recherche de ce qu’on voulait vraiment. Quand on l’a trouvé, ça va super bien. Les scènes qui sont plus dures émotivement... »
« Quand je pleure, habituellement, la deuxième prise c’est correct. La première prise, ça monte, et après ça on peut y aller. »
Est-ce que ton personnage te ressemble beaucoup? « Pas vraiment, parce que je n’ai pas vécu les mêmes choses et je ne sais pas comment je réagirais. On peut dire qu’elle a vraiment une forte personnalité, et je pense que j’ai aussi une forte personnalité. »
Elle n’a pas eu le choix, très jeune, de composer avec la célébrité d’un premier rôle au cinéma. « C’est quand même déroutant d’arriver d’un matin à un autre et que tout le monde t’arrêtes dans la rue et te demande des autographes. Faut que tu restes toi-même, même si tu vois ton entourage changer souvent, et ça, ça prend une personnalité forte. » Quatorze ans, vraiment?
« Les gens te voit différemment tout d’un coup. Mais c’est pas parce que tu as fait un film que tu changes pour autant. Là je suis en deuxième secondaire, et j’ai eu Aurore en cinquième année. Quand j’ai changé d’école, les gens ne me connaissaient pas, alors là ça a été spécial. Les gens me regardaient avec les deux yeux grands ouverts, c’était quand même spécial comme feeling. »
Dans le film, Élise se demande si elle est la cause du départ de sa mère. Elle ne se doute de rien par rapport à son père? « C’est tout à fait normal qu’elle n’ait pas compris parce qu’il faut penser au contexte de l’époque. C’était tellement tabou que je ne pense pas qu’elle ait collé un mot à ça. L’homosexualité, pour elle, ça ne veut rien dire. Je pense qu’elle avait compris d’une certaine manière, elle s’en doutait... Elle a associé « pas bon » avec le golf. »
« Elle se demande si c’est de sa faute parce qu’elle a associé le geste du téléphone avec le départ. » Et elle reçoit ensuite toute une gifle... « Oui, effectivement, et ça a été très douloureux! »
Est-ce que la mère revient? « Moi je pense que oui. Elle ne pourrait pas vivre sans ses enfants, mais je pense qu’elle va s’organiser pour que le père ne soit plus dans les parages. »
As-tu d'autres projets? « Non. Je me concentre pour mes études. » Dans un programme enrichi. Qui en aurait douté?
Céline Bonnier
Comment vous a-t-on approchée pour le rôle? « C’est la scénariste Isabelle Hébert qui m’en a parlé. J’étais surprise qu’on m’associe à un personnage comme ça, qui n’est pas troublé de l’intérieur, qui n’est pas écorché, qui n’est pas blessé de la vie, ce que je fais plus souvent. Ça m’intéressait, de faire quelque qui est assez loin de moi, dans une époque qui m’inspire totalement, les années 60. »
« Je trouvais ça assez intéressant de faire un film autour de l’absence de la mère, qui est finalement le point central de chaque être humain » Mais pour qu’elle soit absente dans la deuxième partie du film... « Il faut qu’elle soit très présente dans la première. »
On insiste beaucoup sur l’attention qu’elle a pour ses enfants, sur ses efforts pour... « Je ne sais pas si elle fait un effort, c’est sa nature. »
Est-ce générationnel ou un trait de personnalité? « Je pense que c’est une personnalité. Il y a des gens qui sont encore très organisés comme ça, et qui tiennent le flambeau de la famille et l’organisation de la famille très droit, très serré. »
« Je lisais ça et je me disais que c’était une mère parfaite... Ça existe, ça? Il fallait que je la fasse exister. C’est une femme de carrière, le genre de mère que moi je ne connais pas, le genre de personnalité que je n’ai pas nécessairement. »
Trouvez-vous qu’elle fait le bon choix? « Quand tu joues un personnage, tu es obligé de ne pas la juger. Tu es obligé de la prendre comme elle est et de la comprendre. Ça ne veut pas dire que je suis d’accord, mais tu es obligé de la comprendre. Par contre, ce que je peux imaginer moi, c’est qu’elle revient pas longtemps après. »
Léa Pool
Pourquoi avoir choisi de réaliser Maman est chez le coiffeur? « Quand on me l’a proposé, j’ai trouvé beaucoup de points d’ancrage par rapport à ce que j’avais fait, des choses qui me préoccupaient moi. Je savais que je serais à l’aise dans ce milieu-là. »
« J’avais des projets personnels aussi qui étaient à différentes étapes de développement... ou d’échec de développement, et c’est celui-là qui a passé. »
« Avant j’étais plutôt du type un projet à la fois, c’est plus mon tempérament d’ailleurs de travailler à fond sur quelque chose. Maintenant, tu ne peux plus faire ça, il faut avoir deux ou trois projets de front et celui qui gagne la course c’est celui qui se fait en premier. »
Vos comédiens ont-ils des qualités communes? « Oui, j’imagine... Ils ont une grande qualité d’écoute. Du talent, bien sûr. Surtout la bonne sensibilité par rapport à ce que j’essayais de décrire et de réaliser. Communication facile. Pas trop d’égo. »
Il y avait quand même plusieurs enfants sur le plateau, est-ce que cela change votre manière de diriger? « Il y a beaucoup de choses que tu laisses aux enfants; il faut qu’ils s’approprient leur personnage. Si tu leur dis quoi faire, c’est la catastrophe. Par contre, tu es obligé de leur dire les déplacements, ce qui est habituellement totalement naturel chez les adultes acteurs, parce qu’il faut toujours répéter la même chose pour les raccords. Tu es presque obligé de leur dire quand prendre leur bouchée de pain. »
Est-ce qu’ils sont meilleurs à la première prise? « Ça dépend. Marianne est constante, première, deuxième, troisième prise... Avec Marianne, quand la scène est bonne, les prises sont toutes bonnes. Hugo c’était les déplacements, pour que ça ait l’air naturel, c’était plus compliqué. Élie, c’était un petit peu le poète de la gang, de temps en temps il écoutait, de temps en temps il était un peu plus dans la lune... »
Est-ce qu’il y a des scènes que vous auriez aimé mettre dans le film mais qui ne sont plus là? « Oui, il y a plusieurs scènes qu’on a tournées et qui ne sont pas là. J’ai pris la décision qu’une fois que la mère quitte, on ne la voit plus, sauf à la télévision. On la voit comme les enfants auraient pu la voir. On avait tourné une scène où quelques rues plus loin elle vomissait après être partie, et aussi une scène à Londres où elle ouvrait sa valise. »
« Et il y avait quelques flashbacks que j’adore encore et que j’aimerais bien qu’ils soient sur le DVD, dont une scène au piano avec Marianne et Céline, qui sont toutes les deux de très bonnes pianistes. Elles faisaient des duos très à la Bergman, à la Sonate d’automne. »
Croyez-vous qu’elle fait le bon choix de partir? « C’est drôle, cette question, parce que pendant tout le tournage, je n’aurais pas pu te dire. J’essayais de la comprendre...Moi-même, j’ai été abandonnée enfant pendant trois ans par ma mère, et je lui en ai voulu, j’ai essayé de comprendre... C’est sûr qu’avec le temps tu comprends plus, en fait tu comprends qu’une mère, ce n’est pas juste une mère, c’est une femme, c’est un être humain. Son identité, ce n’est pas juste d’être une mère. »
« Après coup je me suis dit que c’était juste, parce que c’était trop. Les enfants auraient subi des disputes continuelles. Elle protège plus ses enfants en faisant ça... »
Croyez-vous que cette attitude est un trait de personnalité, ou simplement le cas de toute une génération de femmes? « Je pense que c’est quand même générationnel. Les mères étaient très présentes... Quoi qu’elle est une professionnelle et que c’était très rare. Mais je pense qu’elle aimait vraiment ses enfants. Dans le scénario elle est un peu plus « femme d’affaires », et je trouvais que c’était un petit peu dangereux, dans l’appropriation du personnage chez le spectateur, qu’après elle nous manque aussi. »
Mais elle revient? « Oui, elle revient. »
C’est assez étonnant de voir qu’Élise, même à son âge, se demande si elle est responsable du départ de sa mère. Ne se doute-t-elle pas de ce qui se passe? « Dans les années 60, l’homosexualité, zéro. Personne ne parlait d’homosexualité. Un enfant de treize ans ne savait pas... il aurait fallu qu’il cherche dans le dictionnaire. C’est impossible qu’elle sache ce que c’est. Elle sait qu’elle est responsable, mais tout ce qu’elle comprend c’est qu’il y a un golfeur... Elle sait qu’il y a quelque chose de pas correct, mais jusqu’où c’est pas correct? C’est pour ça qu’elle donne le téléphone à sa mère, c’est pour qu’elle porte un jugement sur ce qui se passe. »
Gabriel Arcand
On n’a pas l’occasion de vous parler souvent... « C’est parce que je n’en fais pas souvent. En fait, un petit peu tous les deux ou trois ans, mais je fais surtout du théâtre. »
Et pourquoi ce film-là et pas un autre? « C’est un cas un petit peu particulier, parce que je connais bien la scénariste. On se connaît depuis plusieurs années. Quand elle a fini son scénario, le projet est tombé dans les mains de Léa, et Léa et moi on se connaît aussi depuis très longtemps. À chaque fois qu’on se voyait, on se disait qu’il fallait faire un film ensemble. »
Votre personnage est sourd et muet, est-ce que cela a changé votre préparation? « J’utilise un petit peu un langage des signes artisanal, alors il a fallu que j’entre en contact avec ce monde-là, ces gens-là. Il faut que tu apprennes les rudiments de ça, il faut que tu apprennes quelle sorte de gens ils sont, quel rapport à la réalité ils ont, qui est assez différent des entendants. »
« Le fait de travailler avec une actrice beaucoup plus jeune que moi, c’était nouveau pour moi, je n’avais jamais fait ça. Marianne est vraiment professionnelle, donc il n’y a eu aucun problème. Mais ça me décide à choisir de faire le film quand il y a les éléments inconnus qui représentent une sorte de défi. »