Dans le cadre de la sortie du film Contre toute espérance, le réalisateur Bernard Émond et sa vedette principale, Guylaine Tremblay, ont bien voulu parler de leur expérience sur le plateau d'un film qui se veut différent des autres films qui prennent habituellement l'affiche pendant la saison estival.
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Rencontre avec Bernard Émond et Guylaine Tremblay.
Guylaine Tremblay
« Réjeanne c’est une femme de la classe moyenne, de la vraie classe moyenne. Ses principales qualités sont sont courage et sa dignité. Elle se bat jusqu’à que ce ne se puisse pu, elle ne lâche pas le morceau facilement. C’est une introvertie, ce n’est pas une femme de mot, elle est très aidante et très aimante. Sa capacité d’aimer est très très grande. »
Comment le personnage est-il né? « Avant de tourner le film, on a répété, on a beaucoup parlé de ces personnages-là. Pour moi, ce n’était pas trop difficile parce que je viens d’un milieu de classe moyenne. Je comprenais très bien son rêve d’avoir une maison un petit peu en dehors de la ville… pas un château-là. Ce sont de gros travailleurs, comme mes parents étaient. »
Elle vous ressemble un peu? « Dans la capacité qu’elle a d’aimer ses proches, son envie d’aider. Je pense que je suis une fille assez courageuse. Avant de lâcher le morceau va falloir qu’il s’en passe en maudit… Quand je crois à quelque chose ou que j’aime quelqu’un, va falloir que ça soit bien lourd avant que je lâche. »
Bernard Émond a la réputation de svoir ce qu’il veut, comment est-il sur le plateau? « Bernard c’est un gars qui aime les acteurs et qui les respecte. C’est un gars formidable en particulier pour une fille parcequ’il nous laisse vieillir en paix. On ne sent pas que parce qu’on a des pattes d’oie… au contraire, il aime la vérité. Il aime les femmes telles qu’elles sont. C’est un gars extrêmement rigoureux mais remplit d’humanité. J’avais une confiance totale en lui. »
« Moi j’aime ça quelqu’un qui sait vraiment ce qu’il veut, parce qu’il est ouvert à de nouvelles choses. Quelqu’un qui ne sait pas vraiment ce qu’il veut, quand toi tu arrives et que tu proposes quelque chose, souvent ça l’insécurise. »
Presque tout le film se passe avec Guy Jodoin, dans l’intimité de la vie de couple. « Guy c’est un bonheur. On avait déjà fait du théâtre ensemble il y a longtemps… Il est comme moi Guy, c’est un gros travaillant. On travaille jusqu’à ce qu’on soit contents. C’est un compagnon extrêmement agréable. »
Quel avenir pour le film? « J’aimerais ça que beaucoup de gens le voient. Pour moi, c’est le contraire du film d’auteur hermétique. C’est un film complètement accessible, l’histoire est très simple. C’est l’histoire de gens qui avaient un petit bonheur simple et heureux et que la précarité économique plonge dans la tragédie. J’aimerais que ce film-là soit vu, et qu’on comprenne qu’il y a de la place pour ces films-là aussi. »
Guylaine Tremblay participera au milieu de l’automne au premier long métrage de son bon ami Claude Meunier, Le grand départ, avec à ses côtés Diane Lavallée et Marc Messier.
Bernard Émond
Comment est né Contre toute espérance? « C’est la question la plus difficile. Parce qu’un projet de film, une idée de scénario, ça se développe sur des années. C’est le résultat de lectures, de films qu’on a vus, de réflexions. »
« Quand j’ai fait La neuvaine j’ai repris contact avec la tradition catholique. Je précise que je ne suis pas croyant et que je ne suis pas entrain de le devenir, mais pour moi il y avait un trésor de signification dans cette tradition-là dont j’ai eu envie de me servir. Je me sers de la foi, de l’espérance et de la charité pour parler du monde dans lequel on vit. »
« Je ne suis pas entrain de faire une trilogie catholique. Mais il y a certainement un humanisme que j’ai et qui me vient de mon éducation catholique. Ce que La neuvaine dit, c’est que pour vivre, on a besoin de quelque chose qui nous dépasse, qu’on trouve plus grand que nous. Pour les croyants ça peut être Dieu, mais pour les non-croyants, ça peut être la solidarité, la justice. »
« Ce que Contre toute espérance dit, c’est que le monde dans lequel on vit qui est dominé par la société marchande néo-libérale, ce monde-là rend l’espérance vraiment difficile. »
« Et ce que le troisième film va dire, la charité, c’est que dans un monde où c’est difficile, nous avons besoin d’aider les autres. C’est un message qui est aussi laïque que chrétien. »
« Chaque film va se tenir indépendamment des autres. Mais il y a une continuité thématique que j’avais envie d’écrire. »
Pourquoi s’être tourné vers le cinéma? « J’avais envie d’être un lecteur dans la vie. Ce qui m’intéressait à prime abord, c’est la littérature. Ensuite j’ai fait des études en anthropologie et je suis venu au documentaire par l’anthropologie. »
« Être cinéaste, ce n’est pas un but. Pour moi ce n’est pas une carrière. Ça ne m’intéresse pas de faire n’importe quel film, ça m’intéresse de faire ces films-là. Si je ne pouvais pas pratiquer le cinéma que je pratique, je ne mettrais pas à faire des affaires légères ou de la pub. Je fais ce que je fais. »
« Je n’ai pas voulu devenir cinéaste, ce qui est important c’est l’amour que j’ai toujours eu pour la littérature et le cinéma. Avant d’être un cinéaste et un scénariste, j’étais un lecteur et un cinéphile. »
Pourquoi est-ce que le cinéma est le meilleur média pour parler du monde dans lequel on vit? « Mais les images! Regardez le dernier plan du film; c’est du cinéma, ça ne pourrait pas être fait avec un autre art. Le roman permet toutes sortes d’autres choses, mais moi, j’aime les moyens du cinéma. J’aime travailler avec les acteurs, j’aime travailler avec le directeur-photo. »
« Je sais vraiment ce que je veux, et je m’arrange pour travailler avec des gens qui ont envie de me le donner. De sorte que je n’ai pas besoin du tout d’être contrôlant. »
Pourquoi avoir choisi Guylaine Tremblay pour le rôle principal? « J’avais déjà travaillé avec elle, je la connaissais à cause du théâtre et aussi parce qu’elle avait joué dans Mariages! de Catherine Martin où elle avait un rôle formidable. À son contact j’ai eu envie de retravailler avec elle. Quand j’ai commencé à imaginer cette histoire-là, j’ai tout de suite vu l’héroïne sous les traits de Guylaine Tremblay, et je lui ai offert le film avant d’écrire le scénario. »
Et pour Guy Jodoin? « Je l’avais vu en audition pour le rôle du mari violent dans La neuvaine, et il avait fait une audition formidable mais il avait l’air tellement sympathique que ça avait été un problème. Je l’ai fait revenir pour ce film-ci, et il m’a conquis. »
« D’abord parce qu’ils sont bons. Je sais qu’ils étaient capables de donner ce que je voulais. Mais aussi parce qu’ils représentent formidablement les gens ordinaires. Ce sont des gens qui ressemblent à nos voisins, ou à nos sœurs, ou nos cousines. »
Le film se fait revendicateur à plusieurs reprises, et pas toujours subtilement… « Comme citoyen je suis en maudit depuis que je sais penser. Oui, j’avais envie de parler de ça. L’économie telle qu’on la vie à l’heure actuelle, c’est une tragédie sociale. Je ne sais pas comment les gens réagiraient s’ils savaient, oui ils veulent avoir 10-12 % sur leurs placements, mais est-ce qu’ils se rendent compte que ça implique des mises à pied et des délocalisations? Faudrait peut-être le rappeler. »
« Je crois que la justice sociale, ça doit être l’affaire de tout le monde. Ceci dit, ce n’est pas un film militant. J’avais envie de raconter l’histoire d’une femme qui perd sa job, comme il y en a des centaines de milliers à chaque année. C’est ça que le cinéma me permet de faire. Ce n’est pas un tract politique, ce n’est pas fait comme ça, ce n’est pas fait pour ça. Je montre les conséquences de ce qu’on lit dans les journaux, dans les faits divers tous les jours. »
« Des mises-à-pied ça veut aussi dire des suicide, des ménages brisés, des faillites. Tout ça pour que les administrateurs se paient des fortunes, et que les gens aient des fonds de retraite. »
Quel avenir pour le film? « Je fais un acte de foi, je ne vise pas le plus bas dénominateur commun, je fais des films exigeants, et je me dis que les gens vont aller les voir. Je me dis qu’il y a toujours bien un bout à pratiquer un cinéma de divertissement, il faut qu’il y ait de la place pour autre chose. »
« Je n’ai pas envie de manipuler le spectateur, ce n’est pas un film obligatoire. On n’obligera pas les gens à aller voir ce film-là avec des millions de dollars de publicité. Le pari que je fais, c’est le pari de l’intelligence des spectateurs. Ça va à l’encontre d’une logique perverse qui est à l’œuvre dans le cinéma québécois à l’heure actuelle, mais ce film-là milite pour l’idée d’un cinéma qui peut produire des œuvres fortes. »
« On ne fera pas 10 millions $ de box-office, je m’en contre-fous. Ce que je sais c’est qu’en faisant des films comme ça, je peux rejoindre un public. »
Le film prend l’affiche le vendredi 17 août.