Après un report de plusieurs mois, la nouvelle collaboration entre Patrick Huard et Érik Canuel, Cadavres, prend l'affiche sur les écrans québécois aujourd'hui.
Le film, scénarisé par Benoît Guichard, met également en vedette Julie LeBreton, Sylvie Boucher, Christopher Heyerdahl, Marie Brassard, Christian Bégin, Patrice Robitaille, Hugolin Chevrette et Gilles Renaud.
Ils étaient pour la plupart réunis sur le tapis rouge du film, qui a eu lieu mercredi dans le cadre de la soirée d'ouverture des Rendez-vous du cinéma québécois. Voyez notre galerie de photos de la première en cliquant ici.
Érik Canuel
Est-ce que Cadavres est un film de genre, d’amour, de cul, d’horreur? « Oui. »
« C’est un film hybride. C’est un show de cirque... La texture est comme un vieux cirque, la musique est comme un vieux cirque... Il y a des cages avec des personnages, tous des freaks, chacun avec son défaut... Dans leur freakness, ils sont en dehors de nos carcans moraux et sociaux, alors tu ne peux pas les juger comme tu jugerais une société normale, parce qu’ils sont dans leur propre rêve. Pour eux, il n’y a rien de mal. »
Est-ce qu’il est possible d’aller trop loin? « Non. Tu vas aussi loin que ta propre moralité te permet d’aller. Moi, comme créateur, je n’ai pas à juger ces gens-là. Tu n’es pas obligé d’être d’accord, mais si tu as des « problèmes » avec ça, c’est qu’il y a des carcans qui t’arrêtent. »
Pour mener à bien un tel projet, il faut trouver des acteurs assez audacieux pour s’engager. Pourquoi patrick Huard et Julie Le Breton sont les meilleurs candidats pour cela? « Ce sont des acteurs extraordinaires, des gens de talent sans fin. Ce sont des abysses de talent. Ils sont d’une extrême générosité. Quand je l’ai proposé à Pat, c’était en même temps de lui demander s’il avait le courage de le faire, s’il était prêt à aller là, à se réinventer. C’est un acte de bravoure pour un acteur d’accepter de faire ça, et pour moi, c’est un acte de création ultime d’arriver à ce qu’ils me fassent confiance. »
« C’est toi qui est là pour eux, pas eux qui sont là pour toi. Je passais mon temps sur le plateau à dire : « on va se faire crucifier, pis on s’en câlisse. » Eux, ils ont accepté de se faire crucifier avec moi. »
Avez-vous pris plusieurs libertés d’avec le roman? « On a inventé le personnage de la mère et les enfants, qui ne sont pas dans le roman, pour donner une voix à la conscience de Raymond sans que ce soit de la voix hors champ. Avec les enfants, on voulait illustrer l’innocence qu’ils essaient de retrouver. »
Le film durait 40 minutes de plus lors du premier montage, est-ce que tu regrettes certaines coupures? « Non, je pense qu’on a fait les bons choix. Tu vas le voir dans le DVD anyway. Le début du film, avant, il était dans le troisième tiers, c’était raconté par Patrick quand il était adossé au lit avec sa sœur... On racontait plus de background story. »
Patrick Huard
Est-ce que Cadavres est un film de genre, d’amour, de cul, d’horreur? « C’est définitivement un film de genre. De cul, non. Je pense que c’est l’affaire qu’il y a le moins dans le film en fait. Ce n’est pas de l’horreur mais c’est gore, un peu déjanté mettons. Ça vient jouer dans nos tabous, dans nos valeurs, dans nos images... Ça faisait partie du trip d’aller explorer des affaires qui sont supposées être repoussantes, et d’essayer de trouver ce qui nous attire, ce qui nous fascine là-dedans. »
« En fait, je vais te dire c’est quoi : Cadavres, c’est un accident de char. Tu ne peux pas t’empêcher de ralentir pour le regarder. Tu sais que ça va être croche un peu, mais il y a un côté hypnotisant à cette affaire-là qui fait penser à un accident. »
Est-ce agréable de jouer dans un univers aussi inhabituel? « Oui, c’est l’fun. Mais dans mon cas, je suis le seul qui est complètement enfoui, je ne joue pas le même humour que les autres. C’est le fun, quand tu joues des situations comme ça. J’aimais beaucoup le côté off-beat de toute l’affaire. Mon personnage est décalé tout le temps, il ne réagit jamais comment tu penses qu’il va réagir. »
« J’aime travailler avec Érik parce que c’est un gars qui déborde de talent. C’est un travaillant. J’aime sa vision des affaires, on se challenge, on est devenus assez chums pour se dire vraiment les affaires dans la face comme on pense. »
Aviez-vous l’intention de vous détacher un peu de vos images publiques? « Oui, c’est clair. Érik aussi. On trouvait ça cool que notre première collaboration après Bon Cop, ce soit Cadavres, pour que le message soit clair : on ne va pas toujours faire les mêmes affaires, on est des artistes comme les autres, on a envie d’explorer. »
Julie Le Breton
« Souvent, quand on reçoit un scénario pour une audition, on n’a qu’une scène ou deux. Mais cette fois, Érik Canuel a eu l’intelligence de m’envoyer tout le scénario, parce qu’avec juste une scène ou deux, je n’aurais pas su quoi faire! »
« Moi, comme personne, je ne crois pas que je dégage cette énergie-là qu’a mon personnage dans le film, mais je voyais où aller puiser ça en moi, donc je crois que la proposition que j’ai faite lui a plu. »
C’est un univers très cynique, est-ce difficile d’approche? « Le cynisme, ça ne se joue pas. On joue ce qui est écrit, la situation. Si la situation amène ça, c’est le cynisme qui ressort. Mon personnage n’a aucune psychologie, c’est une espèce de boule d’émotions... Pour une actrice, c’est un beau cadeau. Un cadeau épeurant par exemple! »
« Je crois beaucoup à la spontanéité du moment, ce qui le décor t’inspires, l’acteur qui est devant toi... » Exactement, il faut « donner la réplique »... « C’est ça. Le jeu, c’est l’écoute. Tu réagis à ce qu’on te donne. Chaque réalisateur a une méthode particulière, mais là, le gros du travail on l’a fait sur place, le matin, Patrick, Érik et moi on faisait toute la mise en place avant que l’équipe technique arrive, éclaire et tout ça. »
Il faut quand même se préparer à l’avance pour les scènes plus « intimes »« Non! Quand tu frenches, d’habitude, tu frenches à « action ». Si tu fais une scène de nudité, tu n’es pas nue en répétitions... Tourner avec de la pellicule, ça donne une espèce d’urgence où tu ne peux pas te tromper parce qu’on n’a pas le luxe de tourner et tourner... »
On peut imaginer qu’Érik Canuel détend facilement l’atmosphère... « Oui, c’est pas mal un gros nounours que j’aime! Il est tellement enthousiaste, tellement motivé, il sait tellement ce qu’il veut et en même temps il te donne une grande liberté... Il est passionné, il sait ce qu’il fait et il est sans compromis. »
Benoît Guichard
Penses-tu que les acteurs ont eu de la facilité à s’approprier tes mots? « Je pense que oui. Je ne suis pas le genre de scénariste qui va faire respecter à la lettre, je pense que les acteurs ont un travail de création à faire. Faire un film c’est avant tout un travail d’équipe, alors tant que l’intention y est. »
Est-ce que Cadavres est un film de genre, d’amour, de cul, d’horreur? « C’est un peu tout ça. C’est une autopsie déjantée d’une société malade, quelque chose de profondément cynique, qui était présent dans le lire mais à la puissance 10! Mon travail, en l’adaptant, a été de le rendre un peu plus humain, plus tendre, parce que c’est le style littéraire qui donnait de la sympathie dans le roman, et au cinéma ça ne fonctionne pas. J’aime bien essayer de mettre ensemble des gens qui sont supposés ne pas fonctionner. »
« Pour moi, il y a quelque chose de biblique là-dedans, mais sous acide. C’est l’histoire du péché originel, de l’inceste forcément originel, parce qu’on n’était pas nombreux à l’époque, de ce rapport amoureux que l’homme a forcément avec sa sœur. Mais ce qu’il aime, est-ce que c’est elle ou le symbole de ce qu’elle est devenue? On veut retrouver une innocence perdue, mais le monde est de plus en plus déréglé. »
Est-ce que d’avoir un roman à adapter est une contrainte ou un moteur? « Je pense que je me retenais beaucoup au début à cause d’une respect pour l’auteur, d’un respect pour le livre. J’ai le bonheur d’avoir rencontré à Cannes une productrice d’Hollywood qui m’a dit qu’une adaptation ça commençait en jetant le roman à la poubelle. Ça a été le déclic qui m’a donné la liberté de prendre des distances par rapport au roman, et de me donner des outils beaucoup plus cinématographiques pour exprimer ce qu’on ne retrouvait pas nécessairement dans l’œuvre originale. »
Comment écrire ce type d’humour très spécial? « J’avoue que des fois, c’est bizarre, parce que tu risques toujours la rupture de style. C’est sûr qu’il y a une rythmique donnée par les acteurs et une intention donnée par le réalisateur. C’est le public qui va dire si ça marche parce que moi, je ne suis plus du tout objectif. »
Benoît Guichard travaillera à nouveau avec Érik Canuel sur « un thriller romantique... et politique, qui est un peu spécial » qui est présentement en développement.