Avant sa présentation au FFM la semaine dernière, personne n’attendait En plein cœur, le premier long métrage de Stéphane Géhami qui prend l’affiche ce week-end dans quatre salles au Québec, distribué par K-Films Amérique. « C’est le premier scénario que j’ai écrit dans ma vie, ça remonte à quand j’étais à l’université. Souvent, le monde le met de côté et ils passent à autre chose. Moi, je l’ai depuis ce temps-là. »
Comment l’histoire s’est-elle formée? « Au départ, c’était surtout l’histoire de Benoît et Anne Marie, de l’obsession amoureuse. Il y avait Jimmi qui était là, qui volait des chars avec Ben, mais c’était plutôt un personnage secondaire, plus décoratif. Je ne savais pas à quoi il servait mais si je l’enlevais ça ne marchait pas. »
« Un moment donné j’ai comme eu un flash, dans l’autobus 51 sur Côte-Sainte-Catherine : mon film, c’est une relation père-fils. C’est là que le scénario a bifurqué et qu’il a pris la forme qu’il a en ce moment. »
Comment s’est passée la présentation aux institutions financières? « J’ai déposé trois fois. À chaque fois ils disaient qu’ils aimaient le scénario, mais ils ne le prenaient pas. C’est une bonne affaire parce que ça m’a obligé à le retravailler. Souvent le ¾ des commentaires je n’étais pas d’accord, mais il y avait encore place à l’amélioration. Mais après le troisième refus, il fallait que le film se fasse. »
« S’il ne se faisait pas, je me suicidais. Alors j’ai vendu mon condo; j’ai eu un bon prix parce que je l’avais acheté il y a longtemps. J’ai tout mis ça dans mon film. J’ai vraiment pu faire le film que je voulais, à ma façon de A à Z. Tout le pouvoir de création, ça vient du budget. Avoir la liberté de choisir le lieu de tournage que tu veux, même s’il est trop cher... c’est vraiment important. »
Il faut aussi choisir les comédiens, entre autres pour le rôle principal de Benoît. « J’ai bien aimé Pierre Rivard parce qu’il avait le côté rieur et tragique dans les yeux en même temps. C’était le seul qui n’était pas paternaliste envers le p’tit cul, j’aimais bien ça son jeu d’égal à égal. Son mal de vivre aussi qui passait là-dedans. »
« Au début, je pensais que c’était un gars de 24 ou 25 ans. Quand je l’ai vu rentrer en audition je me suis dit qu’il était trop vieux – il devait avoir 35 ans – mais quand il s’est mis à jouer, je me suis rendu compte que l’âge ça n’avait pas d’importance. Je me suis aussi rendu compte que le personnage était plus vieux que je pensais. Ça le rend plus beau et plus tragique, parce qu’à 24 ans c’est normal de ne pas savoir ce que tu veux dans la vie. Mais à 35 ans, c’est tragique. »
Quelle est l’implication des acteurs sur le plateau? « Les acteurs savent très bien ce qu’ils ont à faire parce qu’on fait beaucoup de répétitions. On fait à peu près un mois de répétitions. Ils finissent par connaître tellement bien leur personnage qu’une fois qu’on a une scène à faire, tu peux avoir des surprises parce qu’ils sont assis sur quelque chose de solide. Il y a place à l’impro. »
Comment était le plateau? « Je tourne sans découpage technique. Alors dépendant du décor, de la disposition des lieux, de l’humeur des comédiens et de comment moi je me sens, le découpage se fait au fur et à mesure, une shot à la fois. »
« C’est un peu dur pour l’équipe, ils veulent toujours savoir quoi faire. Tu ne peux jamais savoir d’avance. Au son, j’avais dit au perchiste d’aller percher où il faut, comme dans un documentaire. Mais quand vient le temps de le faire... »
« Ce qui est bien important dans ce film-là, c’est l’espèce de côté maladroit du film, le côté brouillon. Moi j’appelle ça le côté free-jazz, surtout improvisé. Le monteur a très bien compris ça quand il a monté le film; des fois le comédien se trompe, ça rend ça plus crédible. En enlevant toutes ces maladresses-là, le film perdait sa personnalité, il devenait un film ordinaire. »
« Il y a bien des scènes de baise... des scènes d’amour, ou de baise. La sexualité c’est quelque chose qui dit beaucoup sur quelqu’un. Ce n’est pas innocent, ça veut dire que tu es comme ça. Une fois que tu as vu ça, tu sais à qui tu as affaire. »
Avez-vous l’intention de continuer à travailler de la même manière? « Je veux avoir le financement des institutions, c’est sûr, mais je veux absolument travailler comme ça, avec la liberté que j’ai eue. J’ai un scénario qui va être prêt à déposer dans quatre ou cinq mois. »
De quoi parle-t-il? « C’est trop compliqué, ça ne me tente pas d’en parler. Mais c’est une bonne histoire, c’est vraiment bon. Ça va être assez dur. C’est comme une histoire d’amour avec une grosse grosse différence d’âge. »
Lisez la critique du film ici.