Chaque année c'est la même chose. Les distributeurs en possession de films « oscarisables » profitent de ce dernier mois de l'année pour les sortir, pour qu'ils soient admissibles d'abord et pour qu'ils soient frais à la mémoire des membres votants de l'Académie. Ce qui fait que, ces dernières semaines, je n'ai pas eu le temps de vous parler de trois films qui feront couler beaucoup d'encre dans les premiers mois de 2009. Voici donc, en rafale, des impressions sur Slumdog Millionaire, The Wrestler (Le lutteur) et Valse avec Bashir.
Le plus récent film de Danny Boyle - qui n'est décidément jamais là où on l'attend - est un petit bijou d'inventivité. Un montage rigoureux permet de raconter l'histoire improbable d'une jeune garçon un peu naïf qui est sur le point de gagner le gros lot à l'édition indienne de Who Wants to be a Millionaire? et pour qui chaque nouvelle question fait référence à une période de sa vie. Fable délicieuse portée par un scénario spécialement bien construit, en plus d'une réalisation électrisante, le film s'inquiète du sort de la culture indienne tout en saisissant avec compassion les humains qui la composent. Les flashbacks ne font pas que s'intégrer au récit, ils le composent littéralement, permettant au passage quelques moments de grande tension malgré la relative faiblesse des enjeux. Qui est d'ailleurs bien vite remplacée par un abandon total, rendu possible par le sérieux avec lequel Boyle et les comédiens s'acquittent de leur tâche.
À l'affiche depuis le 19 décembre à Montréal.
Après The Fountain, Darren Aronofsky retrouve un style qui lui convient mieux, celui du réalisme brutal. Son film, qui pourrait presque être un biopic, suit avec honnêteté Randy « The Ram » Robinson, lutteur déchu qui vit avec son corps endolori et plusieurs remords. Ses tentatives pour reprendre le contact avec sa fille et séduire une stripteaseuse aussi malfamée que lui, si elles n'ont pas le mérite d'être inhabituelles pour ce type de film, sont au moins menées avec intelligence par un réalisateur qui n'est jamais aussi bon que lorsqu'il filme l'humanité de face et sans compromis. Il le fait, nous rappelant au passage qu'il est presque incompréhensible que le cinéma montre plus souvent les destins de grands héros que de commis d'épicerie. Mickey Rourke, dans le rôle principal, porte parfaitement les collants, entre cette désagréable sensation de ne plus être jeune comme avant et cette passion indomptable pour son métier qui le brûle. Certaines scènes inhumaines qui viennent faire un contrepoids sont parfois insupportables.
À l'affiche à Montréal depuis le 25 décembre. Ailleurs dès le 23 janvier.
Un film d'animation hybride qui revendique un lien, ténu tout de même, avec le cinéma documentaire. En plus des mécanismes de défense mémoriels, le film aborde de front la question militaire en proposant, sous forme de quête, un commentaire pacifiste peu subtil mais éloquent. Non sans temps morts, le film, présenté à Cannes plus tôt cette année, ne prêche pas par une originalité autre que formelle. Il est vrai pourtant que les couleurs et l'animation en général sont d'une redoutable efficacité et que certaines séquences plus oniriques démontrent le talent du réalisateur pour la poésie, lui qui se met lui-même en scène. Aux situations tirées de sa mémoire s'oppose le récit fidèle de la réalité, opposition véritablement installée au centre du film, et mène vers une finale légèrement décevante parce que prévisible. Une oeuvre ironique et forte, qui aurait cependant pu être plus excitante.
À l'affiche depuis le 26 décembre à Montréal et Québec.