Robert Morin et Louis Bélanger
Pour célébrer ses 30 ans, la Coop vidéo organise trente heures de projection au cinéma Beaubien, le 8 décembre dès midi. Comment la Coop est-elle née? « On se cherchait une bébelle pour avoir du fun, pis aussi pour gagner notre vie. Dans ce temps-là y’avait que le Vidéographe qui prêtait de l’équipement, pis toute les belles jobs à l’ONF étaient déjà prises. », de dire Robert Morin. « Pour les six ou sept premières années on se cotisait pour payer le loyer. Ça a été longtemps dans mon salon. »
Et, trente ans plus tard, est-ce que son succès est surprenant? « On s’attendait à rien. On s’attendait à fermer la place un moment donné, parce que c’était rendu lourd à porter. » Un autre des cinéastes importants à être passé par la Coop, Louis Bélanger, rajoute : « C’est quand on a passé au long métrage que ça a commencé à bien aller. »
« C’était très précieux à l’époque d’avoir une caméra, il n’y en avait pas comme aujourd’hui. On louait l’équipement pis on partait avec; comme caméraman, preneur son, monteur, ça nous faisait un salaire, de l’expérience, et l’équipement payait le loyer. »
C’est l’équipement qui était trop rare ou trop cher à l’époque? « Le premier move qu’on a faite quand on a ouvert la Coop, c’est qu’on a sauté dans la minoune de un de la gang pour descendre à New York pour s’acheter un kodak couleur pis un magnétoscope ¾ de pouce. Ensuite, on s’est retrouvé à louer cette caméra-là, avec un caméraman parce qu’il n’y a pas grand monde qui savait comment pitonner ça. » se souvient Morin.
Pour Louis Bélanger, « tu te revires pis tu regardes ce qui s’est fait en 30 ans, et on s’est rendu compte qu’on pourrait faire 30 heures de projections non-stop. Il y a du stock en tabarouète. On n’est pas ben ben glamour, on n’est pas le style à faire des gros repas... Il a fallu attendre 30 ans pour se dire qu’il faudrait peut-être souligner ça. »
Ça a été une bonne école? « C’est pas une école, c’est un lieu de liberté. L’acte de création peut être ben, ben plate quand tu es tout seul. Écrire un scénario pendant deux ans, tout seul, c’est long. Quand tu as une gang de chums avec qui partager, c’est pas pareil. Ici, il y a des échanges d’idées. Tu n’es pas tout seul. »
« Parce que personne ici reçoit une paye de la Coop, on n’est pas payés, c’est juste la volonté d’avoir un espace de création. »
Robert Morin, un des fondateurs de la Coop, en rajoute : « Il y a trois affaires : il y a les vues qu’on fait; à ce compte-là c’est pas une école parce qu’on ne fait pas le même genre de cinéma personne. Il y a aussi l’amitié qu’on a entre nous autres et finalement, il y a l’institution qui s’appelle la Coop vidéo. C’est une patente qui apporte autant de frustration que de plaisir, comme n’importe quelle institution.
- Quand ça fait 30 ans que t’es ensemble, t’en as vu des chicanes pis des différents. La Coop fait en sorte de réparer des choses qui ne se répareraient probablement pas si elle n’existait pas.
- Comme n’importe quelle famille. »
Il ne semble pas y avoir beaucoup de contraintes ici. « Par rapport aux réalisations, souvent en joke ici on dit que c’est la dictature du réalisateur. Dans une certaine mesure, on est propriétaires indirectement de tous les films qui sont faits ici. Il n’y a personne qui peut forcer Robert à prendre tel comédien, ou à faire son affiche de même... On a des pressions, bien sûr, parce que pour les plus grosses affaires ça prend un distributeur, mais on a un statut spécial, on a pas mal de choix. On fait des vues à notre façon. »
Et la vidéo, c’est parce que c’est moins dispendieux? « Majoritairement, on fait du film asteure. Je suis le seul qui fait encore de la vidéo. », signale Robert Morin. « L’émergence d’une affaire de même, dans les années 70, c’était du monde qui était pressé de dire des affaires, mais pas des affaires parfaites. La vidéo est arrivée parfaitement parce que ça coûtait pas cher l’essai-erreur.
- On n’avait pas la patience nous autres d’attendre les gros budgets. Avec la vidéo il y a une espèce d’instantanéité. Dans les années 80, la vidéo était cantonnée aux galeries d’art. Nous autres on voulait passer à la télé, être dans les salles de cinéma, on ne voulait pas être dans les galeries d’art.
- Il y a encore du monde qui utilise la vidéo comme une caméra de film. Ça a l’air plate leurs images, ils tournent trop en plans larges, avec trépied et tout ça. Il y a des affaires que la vidéo fait bien. »
Parmi les films produits par la Coop, lesquels sont les plus marquants pour vous? « C’est ben rare qu’on se mette à taper des mains comme des pingouins devant nos affaires, on se dit bravo quand on a fait une bonne shot, mais on est assez critique par rapport à nos affaires. »
Morin réplique : « Chaque fois qu’un film sort d’ici, c’est le party. Quand il y a un film bizarre là, qui marche pas trop bien, on est solidaires. On est encore une des seules places qui peut encore en passer des petites vites. Il n’y a pas tant de boîtes de production qui vont dans ces petits racoins étranges. C’est comme une famille; quand ton petit frère s’est fait casser la gueule à l’école, bien tu y vas et tu casses la gueule à l’autre. »
Allez-vous retourner voir vos films en fin de semaine? Robert Morin fera une exception : « Moi j’aime pas ça faire ça, c’est comme regarder ton passé, pis le passé, faut le laisser où il est. Mais c’est sûr qu’on fait une exception parce que c’est les 30 ans, on va aller les présenter les vues. »
« Je ne sais pas pour les autres, mais moi je ne regarde pas mes anciennes vues. Tantôt j’ai barré l’image de mon prochain film, je ne suis plus capable de le voir. Il me reste le montage son, le mixage, l’étalonnage, je vais l’avoir vu ad nauseam. Quand tu fais un film, le nombre de fois que tu l’as vu avant sa première, ça n’a pas d’esti de bon sens. »
Louis Bélanger terminera d’ici deux mois sont nouveau film, The Timekeeper, tourné cet été sur la Côte-Nord. « J’ai hâte de retourner vite sur un plateau de tournage. J’aime ça. »
Et vous, Robert? « J’ai deux petits projets que je vais faire avec des peanuts. Des films qui sont des films à la première personne du singulier, des faux films de famille. Je vais explorer des racoins que je n’ai pas explorés dans Yes Sir! Madame ou Petit Pow! Pow! Noël. Je m’ennuie de la caméra, de faire des films pour revenir à l’artisanat un petit peu. »
En attendant de voir ces nouveaux projets, dans quelques mois dans le cas de The Timekeeper et peut-être l’année suivante pour le nouveau film de Robert Morin, on pourra voir les plus importants films produits à la Coop Vidéo au cinéma Beaubien les 8 et 9 décembre.
Pour les 30 ans de la Coop vidéo, 30 heures de programmation spéciale.
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