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L'oeuvre de l'homme, la part de la femme.
On va dire que le cinéma est un art qui se fait également l’écho de nos sociétés et que les sujets qu’il convoque s’imprègnent forcément de ses évolutions, quelles qu’elles soient. Notamment dans le cinéma d’auteur moins axé sur le divertissement pur. C’est ce qui explique certainement la profusion incroyable de films féministes et d’œuvres au sujet traitant des combats et des problèmes des femmes. Mais pas seulement. Il y a aussi ceux évoquant l’histoire de leurs droits tout comme d’autres traitant de leurs peurs telles que l’emprise masculine et la masculinité toxique. Ici, dans « God’s Creatures » on montre un endroit où les valeurs sont encore archaïques et les mettent au second plan. Même si ce n’est pas ou cela ne semble pas être le sujet principal du film, il peut en être totalement imprégné comme c’est le cas ici. Et c’est donc vrai que le nombre de long-métrages sur ces thèmes a considérablement enflé voire a explosé depuis la bombe MeToo il y a dix ans et l’émergence de la libération totale et réelle de la parole des femmes. Certains de ces films sont opportunistes et surfent certes dessus mais beaucoup le font bien quand leur histoire traite le sujet de plein fouet comme dans le récent « Alice, darling » ou comme pour celui-ci où ce courant de pensée flotte constamment en arrière-plan mais s’avère tout aussi prégnant.
Et ce petit village de pêcheurs d’huîtres isolé au fin fond de l’Angleterre est la parfaite incarnation de cette mode de pensée et de ses traditions et valeurs révolues dans nos sociétés développées actuelles. Un endroit désuet où la femme est encore vue comme une maîtresse de maison devant s’occuper de sa famille et où les hommes incarnent toujours la virilité extrême, un endroit où le genre féminin n’a pas vraiment son mot à dire et où le progressisme est ignoré. Alors quand un drame se joue, cette façon de penser à contrario des évolutions de la société va infuser son poison. Dans le village et plus encore dans le cocon d’une petite famille et le cœur d’une mère. Une mère interprétée avec beaucoup de talent, de délicatesse et de justesse par Emily Watson qu’on n’avait pas vue si excellente depuis longtemps. La révélation de « Normal People », Paul Mescal, lui tient la dragée haute mais c’est elle en mère désirant protéger son fils qui attire toute l’attention. L’évolution de son regard, de son avis sur lui est parfaitement rendue. Le récit prend trop son temps à installer l’accident (dont on ne verra rien) qui va cristalliser tout cela. Trop peut-être. Et on pourra trouver le film et surtout sa première partie un peu plate.
Cependant, le duo de réalisatrices, Anna Rose Holmer et Saela Davis, en profitent pour axer leur script sur la représentation de cette communauté et nous faire comprendre en amont (ou deviner) que les conséquences de cet accident ne vont pas nous amener vers un dénouement auquel on est habitué. Et la morale finale, un peu nihiliste et désespérée, prouve que certains endroits ne changeront jamais et que la seule solution est de partir. Comme le très récent et très frontalement féministe « Women Talking ». « God’s Creatures » peut compter sur son atmosphère grisâtre et pesante, rythmée par la cueillette des huîtres et où l’avenir semble obligatoirement triste. Ce tempo très lent et austère fait partie intégrante de la réussite du film sans tomber dans le contemplatif ennuyant. Les regards et les non-dits sont au centre du film et sont impeccablement retranscrits. Un première oeuvre qui n’a rien de transcendant mais au propos maîtrisé, au jeu d’acteur irréprochable et qui peint son décor singulier et dépassé de la meilleure des façons.
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