À l'approche de la nouvelle année, les critiques de cinéma - comme les gens normaux - se disent : « revoilà cette période de l'année ». Car en plus des célébrations d'usage et des heures passées dans les magasins, décembre est la période des bilans. C'est le temps de regarder derrière pour se remémorer les meilleurs (et les pires) moments de l'année cinématographique. Parce qu'on vous veut surtout du bien, on a choisi de ne vous offrir que le meilleur, soit nos dix films préférés de 2010.
Il a donc fallu choisir parmi les 200 films qui ont fait ma cuvée 2010 pour trouver les films les plus amusants, les plus émouvants, les plus réussis cette année. Quelques-uns auraient pu se retrouver dans ce top 10 mais devront finalement se contenter d'occuper l'honorifique « 11e place », après de longues délibérations. Notons : Toy Story 3, Inception, Ghost Writer, Micmacs à tire-larigot, Le roi de l'évasion et, du côté québécois, 10 1/2.
On regrette aussi de ne pas avoir vu Please Give, The American, Animal Kingdom et Inside Job, des films qui, selon la rumeur, auraient pu percer le décompte, tout comme Kaboom, de Gregg Araki, qui, s'il avait pris l'affiche dans les salles, aurait figuré très haut dans ce bilan.
Les films admissibles sont ceux qui ont pris l'affiche au Québec entre le 1er janvier et le 31 décembre 2010, toutes origines confondues.
10. Easy A (critique d'Élizabeth Lepage-Boily)
Rarement cette année une comédie aura été aussi réussie. Misant sur l'audace de sa proposition et traitant avec respect le genre de la comédie pour adolescent(e)s, Easy A est une des plus belles surprises de 2010. Drôle, intelligente et audacieuse, elle nous a permis de confirmer le talent et le charisme d'Emma Stone, une jeune actrice promise à un brillant avenir, et a prouvé hors de tout doute qu'on pouvait contourner les clichés si on y mettait l'effort.
9. Un prophète (critique)
Voilà un film qu'on peut apprécier rationnellement : scénario béton, interprétations sans faille, réalisation inspirée. Une oeuvre de cinéma qui en cerne les forces pour les exploiter. Mais on peut aussi l'apprécier émotivement, tellement elle vise juste et tellement l'histoire de Malik El Djebena est passionnante et inhabituelle. Certaines scènes marqueront les mémoires, entre autres grâce aux interprètes.
8. Black Swan (critique)
Malgré quelques « erreurs » (dont l'abondance d'hallucinations, qui perdent un peu de leur efficacité à la longue), Black Swan est un film de grande qualité. La force de son histoire, une métaphore prenante sur l'acte artistique, compense pour ses quelques faux pas. Au centre brille Natalie Portman, une actrice qu'on savait talentueuse et qui démontre qu'on avait raison de voir en elle l'héroïne d'un film qui parle justement de l'exigence du métier d'interprète.
7. Gainsbourg (vie héroïque) (critique)
Ce n'est pas le premier biopic et certainement pas le dernier non plus. Et le film est réalisé par un bédéiste qui n'avait jamais fait de cinéma. Pourtant, Gainsbourg (vie héroïque) parvient à tirer son épingle du jeu en mettant de la poésie dans un genre coincé par les conventions. Il faut dire que le sujet s'y prêtait : l'oeuvre riche de Serge Gainsbourg est ici illustrée de manière ludique, sans s'accabler du réel et en saisissant efficacement le personnage. Et donnons à Laeticia Casta le respect qu'elle mérite pour son incroyable beauté (ce top 10 est subjectif, après tout).
Oeuvre ambitieuse qui est peut-être la plus « efficiente » de l'année, en ce sens que les mécanismes du drame (qu'on est toujours en mesure de deviner), fonctionnent ici à merveille. L'histoire était déjà bouleversante, le traitement la magnifie. Le cinéma multiplie la provenance des émotions (musique, images, acteurs, etc.) sans en diluer la puissance. On n'a d'autre choix que de pleurer.
Ici, le cinéma est véritablement au service de l'histoire, quasi-banale si ce n'était de ce traitement éclaté de Danny Boyle. À l'aide d'un montage inventif et maîtrisé (décidément le mot-clé dans un bilan de l'année), le réalisateur étonne, émeut et fait rire tout à la fois. Le dialogue avec le spectateur est intelligent et bien mené, ce qui parvient à rendre bien plus palpitant qu'il promettait d'être le récit de la petite mésaventure sans risque de fin de monde d'Aron Ralston. Anodin? Anecdotique? Pas ici.
4. Mr. Nobody (critique)
Un film sur le cinéma - déjà l'idée est séduisante. Manipulant le temps, l'espace et la vie comme seul le cinéma peut le faire, voilà un film aux ambitions démesurées. Mr. Nobody est fort imparfait. Il n'est d'ailleurs pas complètement fidèle à son concept; pourtant, on a vécu bien peu de moments aussi prenants que ceux qu'il nous a offerts. C'est une oeuvre complexe et instinctive, dont on est encore - plusieurs mois plus tard - en train de mesurer les impacts.
3. Scott Pilgrim vs. The World (critique)
Peut-être que la majorité des films qui forment ce top 10 ont un point en commun. Si c'est le cas, ce sera l'audace; et aucun ne l'est davatange que Scott Pilgrim vs. The World. Un film qui dépasse les cadres du cinéma (qui ne demandent qu'à être dépassés) pour s'offrir une orgie d'images et de sons. Tout est utile, tout est permis. Un humour jeune et dynamique et de l'audace dans un film qui ne ressemble à rien d'autre, qui est peut-être le prochain stade de l'évolution du cinéma, ça ne s'oublie pas facilement.
2. The Social Network (critique)
Le cinéma, c'est souvent une affaire de personnages. Ils sont parfois très bêtes, parfois très intelligents, mais rarement « normaux ». Cela fait de meilleures histoires, et celle de The Social Network est l'une des meilleures de l'année. L'intelligence, c'est stimulant, et tout particulièrement ici, parce que le scénario rigoureux d'Aaron Sorkin sert magnifiquement ce personnage unique qui est le responsable quasi-accidentel d'un changement des habitudes mondiales de communications interpersonnelles. Ce film ne pouvait pas rater.
1. Le ruban blanc (critique)
Comme on l'annonçait déjà l'an dernier parce qu'on avait eu la chance de le voir au FNC, le meilleur film à avoir pris l'affiche au Québec en 2010 est Le ruban blanc. Une oeuvre aride et empathique, morale mais pas moralisatrice, qui démontre la grande connaissance du cinéma de Michael Haneke. À l'aide d'un noir et blanc intransigeant et d'un montage rigoureux, Haneke, dont la fascination pour la violence (ici psychologique) n'étonne plus, atteint des sommets que Cannes a su récompenser. On est prêt à l'appeler chef-d'oeuvre, tellement ce film est bouleversant et maîtrisé. On s'en souviendra dans 50 ans.