Rafraîchissant, souvent jouissif, Scott Pilgrim vs. The World est un film 2.0. Il est l'évolution logique d'un art qui a depuis longtemps tout emprunté au théâtre (avec des exceptions, bien sûr, particulièrement avec la Nouvelle Vague) dans sa représentation du monde et qui ne savait pas quoi faire avec la caméra, un objet « utilitaire » qui permet, au fond, de transporter une histoire. Mais les histoires, au cinéma, doivent être différentes que les histoires au théâtre ou dans les livres - c'est l'évidence et c'est impératif : le médium est différent. Ce sont des films comme celui-ci (comme Zombieland, comme Inglourious Basterds, pour rester contemporain) qui trouveront comment le cinéma, qui est encore un ado qui cherche à s'affirmer, pourra être véritablement lui-même lorsqu'il sera grand.
Scott Pilgrim a 23 ans. Il joue dans un groupe rock, il a un coloc gai et une petite amie qui a 17 ans et qui est encore au secondaire. Tout va bien dans sa vie. Lorsqu'il fait la rencontre de Ramona Flowers, sa petite existence est bouleversée. Malheureusement pour lui, c'est le coup de foudre. Mais pour gagner le coeur de Ramona, il va devoir affronter ses sept ex-copains dans des duels à mort. Dotés de super-pouvoirs, ces derniers vont l'affronter un à un afin que Scott prouve son amour pour elle. Tout ça pendant que Scott et son groupe participent à une bataille des bands qui pourrait bien leur valoir un contrat de disques.
Bien sûr, Scott Pilgrim vs. The World se sert du monde des jeux vidéos vintage et des mangas comme inspiration principale. Des références toutes plus savantes les unes que les autres viennent évoquer des souvenirs d'enfance et le charme intemporel des premières consoles. Il y en a trop pour toutes les saisir. Ce ne serait pas vraiment une amélioration si le cinéma pigeait dans le jeu vidéo pour se définir; mais l'intérêt n'est pas là. Il est dans l'utilisation innovatrice de l'image (et du montage, évidemment), qui créé sa propre cohérence plutôt que de l'emprunter. Des informations sur les personnages écrites sur l'écran? Des sons, écrits? Des décors qui « subissent » les coups? Bien sûr!
Les quelques longueurs et répétitions qui suivent sont regrettables, vraiment embêtantes, parce qu'elles diluent un peu de l'immense créativité dont on fait preuve ici. On pourrait aussi reprocher à Michael Cera de toujours jouer le même personnage, mais il le fait encore bien. Et ses co-vedettes sont toutes convaincues et convaincantes. Voilà un film imprégné de sa génération, aux références nombreuses et habiles, qui explore, à tâtons mais avec intelligence, les possibilités qu'offre le médium cinématographique, comme le font les ados qui découvrent leur corps : comment ça marche? qu'est-ce que ça fait? Il y a quelques erreurs, quelques pincements, mais le résultat est pleinement satisfaisant. Jusqu'à la prochaine étape...
Est-ce l'un de ces cas typiques où la forme prend le dessus sur le fond? C'est fort possible. Mais c'est aussi extrêmement stimulant. À une époque où on lit toujours plus rapidement les images, cette saturation visuelle (et sonore) est autant un défi qu'un pur plaisir pour le spectateur. On soupçonne que ce soit parce qu'il s'agit d'un film tellement instinctif et rafraîchissant qu'il est tout simplement impossible d'en saisir toutes les subtilités.