Après avoir conquis le monde (les festivals de Namur, Venise et Toronto), Continental, un film sans fusil, le premier long métrage de Stéphane Lafleur prend finalement l'affiche au Québec.
Avec Réal Bossé, Gilbert Sicotte, Fanny Malette et Marie-Ginette Guay dans les quatre rôles principaux, le film observe la vie d'individus solitaires qui limitent les contacts humains. Maladresse, humour noir, la petite vie simple des personnages est la véritable vedette du film.
Réal Bossé
Dans le rôle de Louis, Réal Bossé doit défendre un vendeur d’assurance qui vit à l’hôtel loin de sa famille. Mais il n’a pas fallu longtemps pour qu’il accepte de relever le défi. « Le scénario se défend tout seul. J’ai auditionné pour ça, et j’aime ça moi auditionner. Ça me permet de donner mon opinion, pour montrer au réalisateur avec qui il va travailler. »
« J’aime ça être surpris par les gens qui je croise. Quand Stéphane m’a appelé pour me dire que j’avais le rôle, je sautais littéralement chez nous. Je voulais jouer Louis. Ça me permettait de fouiller dans des affaires que je ne connaissais pas. »
« Je tiens à tout ce que je fais. Je ne veux pas être confiné à faire une affaire. À ce compte-là j’aime bien être dans la peau de Réal Bossé; pas trop connu, pas trop stigmatisé... J’aime bien être le Gene Hackman québécois! »
« Ce n’est pas par défi de me casser la gueule, c’est par plaisir d’essayer autre chose. »
« Ma gloire j’en veux pas. Je préfère défendre une œuvre que de me péter les bretelles en me disant que j’étais le premier rôle. Je veux participer à des projets. »
Qui est ce mystérieux Louis? « Il est tellement clair dans le scénario. Il y a des zones d’ombres, on se demande pourquoi il fait ça, et c’est à nous en tant qu’équipe de création de régler ce problème-là et de donner un point de vue éclairé au spectateur qui va regarder le film. Ou de le laisser dans sa brume, si c’est un choix de réalisation. »
« On a juste son point de vue de ce qui se passe dans sa vie. On n’entend pas sa femme, il peut dire ce qu’il veut. »
C’est un premier long-métrage pour Stéphane Lafleur. « Stéphane c’est un gars qui s’entoure, qui écoute aussi l’opinion des créateurs autour de lui. Il considère vraiment le cinéma comme un travail d’équipe. »
« C’est un petit génie, un petit whiz. C’est un audacieux aussi. Premier film, des plans qui bougent pas, cadrés tight. Le fait d’avoir monté plein de films, d’avoir participer à leur création, c’est pas son premier film. Quand tu montes, tu réalises aussi. »
« Pour parler de Continental, Stéphane m’a déjà dit : « C’est comme si on mettait le kodak sur les figurants d’un film d’action. » Ils n’ont rien à dire, pas grand-chose à faire, ils font juste passer. On est souvent des figurants de notre propre vie. »
Est-ce que les acteurs peuvent improviser? « Il faut soutenir le propos. Tu as le goût de t’associer au scénario, pas de le transformer pour l’emmener chez vous, dans ton salon. Tu as le goût de participer au propos de l’auteur. Il y a des moments où tu as le goût de patiner, mais tu le fais en répétition. »
« Tout a été dit ou vaguement dit. On est à l’heure des collages, du multi-machin, de faire se côtoyer des choses qui ne se sont jamais vues. L’intérêt là-dedans, en tant qu’auteur de mon propre travail, c’est de continuer à expérimenter. »
Fanny Malette
« Chantal c’est une jeune femme dans la trentaine qui vit une petite vie tranquille en banlieue de Montréal. On peut dire que c’est une fille plate. Elle a l’air d’une fille normale, mais elle est décalée. »
Mais elle a plusieurs désirs inassouvis, des envies... un bébé, par exemple. « Vois-tu, ça c’est intéressant parce que c’est vraiment interprété de plusieurs façon différentes... On peut s’imaginer plein de choses, mais ce n’est pas dit dans le film. On ne connaît pas ses désirs. »
Avez-vous beaucoup répété? « On a surtout parlé, essayé des choses. On a tourné plusieurs versions de la conclusion de son histoire avec Louis, et étrangement celle qu’on a gardé c’est celle qui nous plaisait le moins sur le plateau. »
Et le réalisateur? « Il avait cette candeur-là d’un jeune réalisateur mais en même temps je ne sentais pas qu’il perdait le contrôle. Des fois, on n’a pas beaucoup de temps, il aurait voulu faire plus de prises, alors il était déçu. Mais il a bien fait ça. »
Gilbert Sicotte
« Les personnages n’ont pas un gros univers, mais en même temps ils sont plus complexes qu’on pense. Ils n’ont pas un grand horizon, mais c’est leur vie à eux. Elles n’ont l’air de rien, mais elles sont de l’ouvrage. » Voilà comme Gilbert Sicotte décrit l’atmosphère de Continental, un film sans fusil. Son personnage, Marcel, propriétaire d’un petit bazar, doit trouver 15 000 $ pour une opération dentaire.
« Les signes qu’il y a dans le film sont quand même intéressants. On sait qu’il a fait un disque d’orgue ou deux, on sait qu’il a eu une femme, on sait que sa vie était différente de ça. On peut imaginer toute une vie qui était plus brillante pour arriver à ce moment où on le rencontre. »
Aimez-vous répéter? « J’aime mieux le faire pour vrai. J’aime bien les premières prises. »
Comment était le réalisateur? « Il est attentif, à l’écoute, ses suggestions sont toujours pertinentes. C’est un jeune réalisateur très brillant et très sensible. »
Gilbert Sicotte est aussi enseignant au Conservatoire. « J’essaie de communiquer le plus possible d’être authentique, d’être personnel. De ne pas trop jouer mais d’être la situation. »
Est-ce qu’on peut rendre tout ça trop personnel? « On est dans la fiction et quand le kodak s’arrête, on sait que c’est terminé. On n’est pas des fous, on est des acteurs. C’est de se donner les nuances de la fiction en se disant : « si j’avais 65 ans, si j’avais pas de sous, si j’avais mal aux dents, je pourrais me sentir comme ça facilement. » Et ce n’est pas loin de moi. Peu importe ce qu’on fait, dans le jeu, il faut trouver le point de vue personnel pour que ça nous appartienne. Ça part d’une vérité. »
Marie-Ginette Guay
« Lucette c’est quelqu’un qu’on peut croiser dans la rue sans la remarquer. Elle est la représentante de beaucoup de monde. »
« Je me suis attardée avec Stéphane à l’émotion du moment, où elle en était dans sa vie. Je me suis lancée dans des actions. C’est en faisant qu’on devient « faiseux ». J’aime beaucoup les répétitions, j’aime ça essayer. Je ne discute pas longtemps, je vais l’essayer. Je vais essayer de le vivre. C’est à tâtons que je construis un personnage, par essai-erreur. »
« J’avais totalement confiance en lui parce qu’il savait très bien ce qu’il voulait. On a cheminé ensemble. »
Est-ce que le cinéma est très différent du théâtre? « Au théâtre on répète longtemps, il faut s’assurer d’un bon filet. Au cinéma ce n’est pas la même chose, c’est plus sur le moment. Il faut arriver à la même chose cependant; être au-delà du jeu. »
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