Le périlleux exercice nécessaire à la mise en place d'un top 10 annuel se répète chaque année en laissant des « malchanceux » hors d'un palmarès on ne peut plus subjectif. Même si on remarque que 2011 a sans doute été une année globalement mois forte que 2010, on peut aisément y trouver des oeuvres puissantes et originales qui se démarquant, chacune à leur manière, pour former quelque chose comme un greatest hits de l'année, s'il fallait faire un mixtape des moments cinématographiques marquants. Cela va selon les humeurs...
Bien d'autres films frappent aux portes du top 10 et auraient bien pu s'y retrouver un autre jour; pour cette raison on leur octroie l'honorifique « 11e place », dont voici les récipiendaires, en en ordre alphabétique : The Artist, Blue Valentine, Crazy, Stupid, Love., En terrains connus, Notre jour viendra et Sherlock Holmes: A Game of Shadows.
Les films admissibles sont ceux qui ont pris l'affiche au Québec entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011, toutes origines confondues.
Ce petit film sans prétention de Mike Mills trouve son charme dans son inventivité et dans le profond respect qu'il démontre envers ses personnages, les acteurs - en particulier Ewan McGregor et Christopher Plummer - les rendant plus attachants encore. Le respect de l'humain derrière le personnage purifie en quelque sorte les émotions, les renforce et les rend plus vraies, et ce film plus efficace. Les amusantes trouvailles visuelles du film en font une oeuvre particulièrement cinématographique, dédiée au langage du cinéma, et absolument pas moralisante. Beau, mais simple; ou est-ce plutôt : simple, mais beau?
9. The Ides of March (critique)
The Ides of March se différencie des autres films politiques par son refus d'un manichéisme primaire qui identifie d'habitude rapidement et facilement les bons et les méchants. À cause de cela, on peut être bousculé et étonné le son récit enlevant de cette joute politique secrète qui serait si prévisible autrement. Brûlant d'actualité, il s'inscrit (émerge, en fait) d'une société en profond malaise et transmet à travers l'écran les inquiétudes d'un réalisateur engagé, bien plus efficace lorsqu'il n'est pas simplement cabotin. Et Ryan Gosling, émergeant comme un acteur de grand talent - peut-être le meilleur de sa génération - y démontre toute l'étendue de ses capacités.
De jeunes acteurs talentueux, un réalisateur en plein contrôle et un objectif clair : voilà ce qui fait la réussite de Super 8. Voilà un blockbuster comme ils doivent l'être : respectueux de ses spectateurs, conscient du cinéma et enlevant. De clin d'oeil en clin d'oeil, on rend à la fois hommage à l'âge d'or du cinéma familial et à Spielberg dans un mélange efficace qui refuse les tricheries et autres manipulations scénaristiques. J.J. Abrams n'a pas peur d'un peu de complexité, ce qui profite grandement à ses personnages et au récit. Il n'y a que la fin qu'il faudrait peut-être revoir...
7. Melancholia
Lars von Trier, ici fidèle à lui-même - pour le meilleur et pour le pire - trouve enfin l'équilibre entre le « concept » et son application, son style étant ici au service de l'histoire, loin de l'esbroufe et plus près d'une véritable « oeuvre » comme on l'entend (par opposition à une provocation, ou à un jeu, par exemple). Une histoire fascinante, émouvante et engageante, visuellement forte, narrativement accomplie, métaphysiquement stimulante. Vraiment, l'ampleur et la démesure vont bien à Von Trier, quand bien même ce serait dans une ambiance de fin du monde.
6. Monsieur Lazhar (critique)
Lors de la sortie du film, on disait ceci du quatrième long métrage de Philippe Falardeau : « Le réalisateur québécois - dont le succès mondial est indéniable - parvient à réunir autour de ce personnage central tout ce qui a fait son succès ces dernières années : son engagement social, son humour fin, sa sensibilité à fleur de peau et son grand talent de direction d'acteurs. Soyons honnêtes : Monsieur Lazhar pourrait bien être son meilleur film. Et on ne peut pas dire qu'il y en ait eu des bien mauvais... », et on n'a rien de plus à dire aujourd'hui. Le meilleur film québécois de l'année.
Démontrant une grande maîtrise scénaristique, un don pour les dialogues forts et profitant grandement de l'interprétation naturelle de ses deux comédiens principaux, Brad Pitt et Jonah Hill, Moneyball, de Bennett Miller, est bien davantage qu'un film sportif : c'est une chronique sociale fascinante et humaine qui s'immisce dans le monde du baseball professionnel. Aussi drôle qu'efficace, le film se sert des structures habituelles pour étonner. On dit parfois que la destination n'est pas importante, c'est un peu ce qu'applique Moneyball; neuvième manche, deux retraits... comment en est-on arrivé là, et qui sont ces gens qui deviendront peut-être des héros? Un film grandement satisfaisant.
Parodiant tout en plagiant tout en rendant hommage aux films scolaires et aux comédies sexuelles américaines, ce film de Greg Araki pousse jusqu'à ses extrêmes limites les attentes spectatorielles. Avec l'attitude provocatrice de la jeunesse, le vétéran Araki, fidèle à ses premiers films, provoque tout en s'amusant, d'abord aux dépens du spectateur puis avec lui, une fois que cet univers incomparable est cerné. Une expérience unique, drôle mais complexe, frondeuse, et sexy, parmi les plus marquantes de l'année. Même s'il est pratiquement passé inaperçu, c'est un miracle que ce film ait pris l'affiche sur un écran québécois.
3. Le nom des gens (critique)
Comédie désopilante et intelligente, Le nom des gens, de Michel Leclerc, a beaucoup de charme et d'invention, en plus d'effleurer des thématiques politiques. Particulièrement drôle, le film séduit sur tous les fronts : Sara Forestier, délicieuse et ingénue; le scénario, qui s'est mérité le César du meilleur scénario original, et la réalisation, inventive et réjouissante, de Leclerc. Une des belles surprises de l'année, qui occupe une place de choix dans ce top 10.
2. Shame
Dans les plans-séquences et le silence de ce deuxième long métrage de Steve McQueen, le spectateur peut se soumettre à un fascinant exercice de psychologie autour d'un personnage central véritablement original, interprété de brillante façon par le charismatique Michael Fassbender. On vit pleinement son drame, inhabituel lui aussi, de façon modeste et posée. Sans jugement facile, donc, avec empathie, élégance et un respect des personnages qui se manifeste à travers une réalisation sans affects, Shame est une expérience vibrante de cinéma, dédiée à une détresse humaine renforcée par une mise en scène grandement inspirée.
1. Drive
C'est peut-être la violence, si subtilement installée au coeur du récit et pourtant si forte, c'est peut-être l'histoire d'amour laconique, c'est peut-être la musique ou le charme suranné qui font de Drive un film unique, mais c'est sans doute l'élégance de l'interprétation de Ryan Gosling et de la réalisation de Nicolas Winding Refn qui solidifient le tout en un long métrage digne de trôner tout en haut du top 10. Dès la scène d'ouverture, on est séduit par l'intelligence et la minutie de ce personnage central fort et par la finesse de l'interprétation; par la suite, le scénario ne cesse d'étonner sans avoir peur de déplaire. Stimulant et marquant, on ne risque pas d'oublier cet immanquable Drive.