Philippe Falardeau. C'est un peu court, mais c'est à peu près tout ce qu'il y a à dire de vraiment essentiel sur Monsieur Lazhar, son quatrième et plus récent long métrage, pour comprendre la grande qualité de ce film. Parce que le réalisateur québécois - dont le succès mondial est indéniable - parvient à réunir autour de ce personnage central tout ce qui a fait son succès ces dernières années : son engagement social, son humour fin, sa sensibilité à fleur de peau et son grand talent de direction d'acteurs. Soyons honnêtes : Monsieur Lazhar pourrait bien être son meilleur film. Et on ne peut pas dire qu'il y en ait eu des bien mauvais...
Mais c'est que le mélange entre drame et humour est si finement installé, alors que d'attachants élèves de sixième année sont confrontés au suicide de leur enseignante (acte incompréhensible s'il en est un) et qu'un immigrant algérien essaie lui aussi de surmonter un deuil en plus de tenter d'obtenir le statut de réfugié, qu'on n'a d'autre choix que de s'émouvoir devant la grande humanité d'une panoplie de personnages fascinants (et crédibles, et émouvants).
On peut aborder le deuil de toutes les manières, en face d'une classe aussi hétéroclite : frontalement, avec ses émotions ou sa logique, nonchalamment, avec humour, ou même par déni. Cela permet une variété des émotions qui renforce la sensibilité du film. Son humilité des moyens - les « artifices » du cinéma (incluant la musique) ne servent pas à transmettre des émotions banalement ou à manipuler les sentiments de spectateurs vulnérables (de par la nature même du sujet) - y est aussi pour quelque chose. Le scénario, logique, laisse les personnages mener la trame et n'essaie pas de les faire dévier de leur trajectoire pour les « utiliser » afin de poursuivre le récit.
Les comédiens, dont bien sûr Fellag dans le rôle principal, mais surtout la jeune Sophie Nélisse, s'avèrent tous excellents dans plusieurs moments forts d'un scénario qui prend le temps de bien installer les éléments, de bien cerner les nombreux personnages pour faciliter le déroulement narratif. C'est là, en premier, qu'on remarque la grande qualité de Monsieur Lazhar : tout semble couler de source, tout naturellement, malgré les nombreux sujets abordés et les personnalités différentes qui s'entrechoquent.
Et c'est sans doute parce que le film, mature et engageant, prend son temps et respecte ses personnages qu'on n'a jamais l'impression qu'il essaie de « faire la leçon », sur autant de sujets sensibles. À l'instar de son personnage principal, Monsieur Lazhar est humble et respectueux. Il commande l'écoute et ne déçoit pas, réfléchissant sur le deuil et sur le métier d'enseignant avec une empathie égarée depuis longtemps dans notre société. Ce n'est pas rien. C'est même beaucoup.