Fascinant thriller politique où personne n'est épargné, The Ides of March est un film d'une grande efficacité, d'une grande intelligence qui doit plus à l'époque politique dans laquelle on vit qu'à une école ou un courant de cinéma. Ses personnages riches, complexes, beaux, intelligents - mais certainement pas parfaits - sont une grande richesse que la réalisation effacée de George Clooney permet de mettre en valeur. Les comédiens y sont sublimes et le scénario suffisamment déstabilisant pour ébranler et étonner.
The Ides of March avait tout pour être le nouveau pamphlet politique de la gauche américaine - et il l'est, en première instance - alors que le leader charismatique des démocrates, le gouverneur Mike Morris, est décrit comme la meilleure chose qui soit arrivée à l'Amérique depuis Jésus (notez l'ironie). Il a l'étoffe d'un Président et il représente le « bien ». Mais les manoeuvres politiques auront tôt fait de forcer tous les personnages à se salir les mains. Hypocrisie, mensonges, et manipulation de masse sont au programme politique d'un sous-texte fascinant.
Un sous-texte qui inclut la désillusion de l'Amérique et son individualisme intrinsèque que même les plus valeureux ne parviennent pas à contourner. Il s'agit toujours de gagner, pour soi-même. Le reste - les valeurs, la famille, l'abnégation - est créé par des gens intelligents comme Stephen Myers, un jeune organisateur politique ambitieux, qui est en fait le héros de ce film. Confronté à la cruauté du monde qu'il a choisi, il se transforme et devient... comme les autres. Que ce film sorte alors que le premier mandat d'Obama (lui aussi un Messie, à un certain moment) prend fin n'est certainement pas une coïncidence.
Après Drive, sorti il y a quelques semaines, Ryan Gosling démontre à nouveau l'étendue de son talent à travers une force tranquille, une puissance intelligente et posée qui fait la richesse rare d'un personnage principal véritablement engageant. Cela signifie qu'on peut ne pas approuver toutes ses actions, mais qu'on n'a d'autre choix que de les comprendre. Il est cohérent, dans sa vengeance, dans ses amours, dans sa vie, et les personnages comme celui-ci font souvent la différence entre un film moyen et un excellent film. Du jeune homme naïf et travaillant qu'il est au départ, il devient machiavélique, manipulateur, et il incarne à nouveau la thématique de ce film où la morale n'est jamais sauve pour personne.
Tous les personnages sont prêts à toutes les bassesses pour atteindre leur objectif, et c'est leurs manigances qui fait la « tension » qui transporte ce thriller politique vers des sommets de suspense. Bien plus que si on s'intéressait à savoir qui va gagner l'élection, reléguée ici loin au second plan. C'est ce qui nous fait dire que The Ides of March est un film politique pas comme les autres, brûlant d'actualité et particulièrement juste sur le plan humain. En évitant de tomber dans le manichéisme primaire, en évitant de jeter la pierre (assez les références religieuses!) bêtement à « l'opposant », celui qui a des idées politiques et sociales différentes, The Ides of March parle d'autre chose que de politique. Il parle de société. Les deux sont indissociables, mais à voir le monde aujourd'hui, peut-être l'a-t-on oublié.