Une comédie intelligente, engagée, taquine et émouvante, c'est bien plus que ce qu'on pouvait espérer d'un film qui, derrière ses allures on ne peut plus banales, s'intitule bêtement « Le nom des gens ». Et même en expliquant mieux : Bahia Benmahmoud est Française d'origine algérienne de gauche qui a décidé de convertir les fachos (tous les gens à droite, finalement) en couchant avec eux. Sa rencontre avec le « banal » Arthur Martin bouleversera cependant leur vie, puisque Arthur est le petit-fils d'immigrants Juifs passés par les camps de concentration. Une bête histoire d'amour? Certainement pas. Une vague comédie romantique? Non plus.
L'introduction, dynamique et enivrante, donne déjà le ton : on aborde avec la même frivolité les sujets graves et tristes et les sujets joyeux, dans cette fascinante mise en scène commentée par les personnages. Ironie et humour côtoient la dureté du monde réel. Cela permettra par la suite de rire lors d'un souper tout en sous-entendus, qui tourne mal, avec la fille de victimes des camps de concentration. La vigueur des dialogues et de l'interprétation, jumelée à la profondeur et à la force des observations sociales et à un engagement politique vitaminé, façonne une comédie qui sait être émouvante.
La réalisation de Michel Leclerc est particulièrement juste, se refusant à tout affect, même dans la tragédie; rien n'est grave, tout peut s'arranger. Le scénario ne s'applique pas à trouver ou à prouver l'amour entre les deux personnages, il l'assume, ce qui lui permet d'explorer et d'aller plus loin qu'une simple comédie romantique. Une comédie qui est très drôle, mais certainement pas simple. Après avoir ri et s'être détendu, on est prêt à réfléchir aux thèmes importants du film : l'identité nationale, l'engagement politique, le devoir de mémoire. Ce n'est pas anodin. L'ingénuité (physique et intellectuelle) de Sara Forestier y est certainement pour beaucoup.
Dans la subtilité se trouve toute la richesse : des Français d'origine algérienne qui doivent regarder une émission sur Maurice Papon à la télévision, faute de mieux; une gauchiste anti-fachos qui vote à droite parce que la femme de Valéry Giscard d'Estaing (plutôt que celle de Mitterand) a aidé son père clandestin à obtenir ses papiers; on mange de la crême chantilly et c'est le plus beau jour de sa vie; on se trompe de papier et on vote par erreur pour Sarko... Il faut bien sûr capter au vol ces clins d'oeil pour profiter pleinement du film, mais même sinon, on y trouvera une histoire d'amour rafraîchissante et dynamique.
Un titre comme celui-là n'est certainement pas le plus accrocheur - surtout que c'est un « film français », avec tout ce que l'expression a de péjoratif - mais ce serait véritablement une erreur que de rater ce film sur le seul prétexte de son nom et de ses origines. Tiens, tiens, je l'ai déjà entendue quelque part, cette leçon...