Le titre « Kaboom », c'est une promesse comme l'était « There Will Be Blood »; la promesse d'un film éclaté, déjanté, libéré, frivole, coloré, etc., dont l'humour jeune, audacieux et dynamique et le regard désinvolte sur la sexualité et sur les comédies pour ados classiques sont les plus savoureuses innovations. C'est parce que rien n'est sérieux, dans Kaboom, qu'on saisit toute l'inventivité derrière la redéfinition des clichés qui s'opère ici : de revirement en revirement (dont l'absurdité est exponentielle plus le film avance), on passe d'une comédie d'ados sur le sexe à un film d'horreur puis de science-fiction. Toujours avec un immense plaisir coupable et de moins en moins de rationalité au fil d'une fascinante caricature.
L'histoire a tout de la comédie habituelle : un garçon, au collège, son amie Stella, son coloc Thor, sa fuckfriend London, ses hallucinations, des hommes avec des masques d'animaux... Mais le garçon, c'est Smith, et son orientation sexuelle est « non-déclarée ». Il peut donc coucher avec London l'avant-midi pour l'aider à se détendre avant un examen et aller rejoindre Hunter, un bel homme marié, à la plage nudiste l'après-midi. Le soir, il rentre au dortoir et il fantasme sur son coloc Thor, puis il va manger avec sa meilleure amie lesbienne et cynique Stella. Il y a des clichés mais aucun n'est accablant, parce que tout est possible. Dans l'univers de Kaboom, tout est « non-déclaré » : il peut aussi y avoir une sorcière aux pouvoirs surnaturels, des espions, des mensonges familiaux enfouis, etc.
Kaboom, c'est le récit imprévisible d'une jeunesse « prévisible »; ces personnages sont habituellement les héros de séries télévisées et de films « éducatifs » sur le sujet, avec leurs problèmes « prévisibles » (grossesse non-désirée, MTS, peine d'amour, etc.) et repris à l'infini sur les écrans. Ici, ils sont transformés et deviennent des personnages complètement déjantés dotés d'une second degré démesuré.
Ils sont au centre du film et de son humour : des héros jeunes et insouciants, pleins de confiance en eux et assoiffés de sexe. Le cynisme de Stella, l'ambigüité sexuelle de Thor, la naïveté sexuelle de London (Si A couche avec B, et que B couche avec C, c'est comme si A couchait avec C... logique, non?) sont absolument hilarantes. Si le film est court - 86 minutes - il n'est pas moins rempli d'un humour particulièrement efficace misant sur un montage serré qui démontre une grande maîtrise du cinéma. Devant tant d'imprévisible, on pourrait aisément se perdre... Tout est possible, on ne s'étonne plus de rien et - étonnamment - on est libéré des contraintes habituelles de l'acte de voir un film. C'est libérateur que de s'affranchir de tout impératif logique dans une salle de cinéma.
Plus Araki en rajoute, plus il est drôle : on apprend certains liens familiaux entre les personnages tandis que l'explication tant attendue des mystérieuses hallucinations dépasse l'entendement. On oublie que Kaboom, c'est juste l'histoire de quelques adolescents qui vivent l'apogée de leur désir sexuel. Si c'était tout propret, tout beau, on s'ennuierait vite. Il y a beaucoup plus à apprécier dans Kaboom, mais... ça reste l'histoire de jeunes qui baisent. Les gens plus âgés et plus matures diront que « c'est pas la fin du monde ». Mais à l'adolescence anyway, tout est la fin du monde.