Antoine Bertrand, qu'on a vu au cinéma dans Starbuck, Frisson-des-Collines et Le poil de la bête, incarne le personnage principal de Louis Cyr : L'homme le plus fort du monde, qui prend l'affiche ce vendredi partout au Québec.
Le long métrage s'intéresse à la vie de Louis Cyr, un homme fort québécois qui a décidé de quitter sa vie d'ouvrier de Lowell, au Massachusetts, et de parcourir l'Amérique afin de démontrer sa force surhumaine, à la fin du XIXe siècle. En plus de Bertrand, Guillaume Cyr, Rose-Maïté Erkoreka, Gilbert Sicotte et Gil Bellows font aussi partie de la distribution du film, qui est réalisé par Daniel Roby.
Lors de ses quelques apparitions au cinéma ces dernières années, Antoine Bertrand était confiné à des rôles plus secondaires, et souvent humoristiques. Cette fois, il porte le long métrage en entier sur ses épaules. Il est d'ailleurs mis en valeur sur les affiches du film et dans toute la campagne de promotion. « Dans ma vie, j'aime bien être le centre de tout, mais j'avoue que la première fois que je suis passé sur la 15, devant le Colossus, et que j'ai vu l'affiche, j'ai eu un beau sourire... Un sourire excité, un sourire nerveux, mais... C'est un cliché : on ne fait pas ça pour ça, mais c'est assez excitant comme comédien de voir ça. »
Le long métrage se déroule à une autre époque, intègre plusieurs effets spéciaux, se déroule dans plusieurs villes, met en scène beaucoup de figurants... Est-ce que ces éléments influencent le jeu de l'acteur? « Ça influence la façon de travailler, pas la performance. De façon générale, sur les plateaux, j'ai toujours été le gars rigolo, qui déconne jusqu'à la dernière seconde, je détends l'atmosphère. J'ai jamais eu le poids du film sur mes épaules, donc je pouvais me permettre de faire ça. Avec Louis Cyr, c'était juste une question d'énergie. Il fallait que je dose mon énergie pour passer à travers ces journées-là, des journées qui étaient impossibles. On commençait la journée on était déjà en retard, tellement il y avait du stock à faire. Et il n'y a pas beaucoup de scènes où on est assis et on prend le thé. »
Le réalisateur voit la chose différemment. « Honnêtement, moi je trouve que ça ne change pas grand chose. C'est sûr qu'il faut porter attention à plein de détails; ça a l'air bizarre, mais si la moustache est croche, la scène ne marche pas... Moi, je m'assure que ce soit le plus réaliste possible, et pour ça il faut que la performance fonctionne. C'est ça qui passe avant tout de toute façon. Si l'acteur n'est pas bon, tout le reste fout le camp. »
La relation entre l'acteur et le réalisateur est-elle affectée par l'ampleur du plateau? « C'est sûr que tu n'as pas la même relation que si tu es un deuxième rôle, comme ce que j'ai fait avant, poursuit Antoine Bertrand. Là, tu n'as pas le choix d'être en symbiose totale avec ton réalisateur, c'est la relation la plus importante du plateau. Il faut qu'on soit sur la même longueur d'onde, c'est une relation de confiance. Daniel Roby est un gars qui, de prise en prise, essaie des affaires complètement différentes. De prise en prise, il me demandait des énergies complètement différentes. »
C'est une manière de faire qui plait beaucoup à Daniel Roby. « On n'explore pas le texte, on l'a déjà exploré en lecture, avant le tournage. Mais, concernant le jeu des comédiens, j'aime ça explorer le ton quand même pendant le tournage. Ça me prend des acteurs qui sont ouverts à ça, parce que des fois, je veux essayer. Il n'y a rien comme prendre la liberté d'explorer un peu, parce que des fois tu trouves des affaires auxquelles tu ne t'attendais pas, où se trouve la magie. »
Est-ce que l'expérience acquise avec La peau blanche et Funkytown ont permis d'éviter des pièges? « Je pense que oui. C'est sûr qu'il y a un apprentissage, et j'ai fait des projets qui ont été de plus en plus gros où tu apprends comment gérer tous ces éléments de logistique; prévoir l'imprévu, le plus possible. Un moment donné, quand tu as vécu des catastrophes, tu t'y attends, tu es moins stressé. On trouve toujours des solutions. Aussi, c'est de trouver des alliés avec qui travailler, ce qui se fait juste par l'expérience. Créer des liens avec des partenaires dans les différents départements en qui tu as confiance. »
« Ce qui m'a impressionné, enchaîne Antoine Bertrand, c'est que Daniel a les yeux sur la balle, mais non seulement sur la balle, sur les mille balles qui sont dans son cadre; il va checker les cheveux, le costume, l'interprétation, le background, tout, c'est comme un Jedi. Ça c'est rassurant. »
Comment choisir ce qui sera représenté à l'écran? « Tout part du texte. Sylvain Guy, qui a écrit le scénario, décide ce qu'on dit dans ce scénario, et ce qu'on ne dit pas. Il y a plein d'affaires qu'on aurait pu montrer et question de coût, question de temps, question dramatique, on ne montre pas. Une fois que lui a choisi, tout le reste suit. »
Mais il y a la langue, qui semble être une source de fierté pour Louis Cyr, qui tient à parler sa langue le plus possible. « Oui, il y a une idée de fierté derrière ça; si on se comprend en français, il n'y a pas de raison de faire mon soumis et mon colonisé si tu me comprends. Il parlait très bien anglais aussi, Louis Cyr, pour avoir vécu aux États-Unis, et, moi, dans le sens où il n'a pas été filmé ou enregistré, j'ai une liberté aussi. Ce n'est pas comme jouer Dédé ou René Lévesque, je n'ai pas cette contrainte-là. C'est l'fun de pouvoir créer ton personnage à toi. »
« Tu ne peux pas avoir plus international que Louis Cyr. As-tu pensé comment il rendait son pays fier, dans le temps? On est tous un peu chauvins, dans la vie, mais on dirait qu'aujourd'hui, à l'ère de la mondialisation, c'est plus normal que ça arrive qu'en 1890, où juste de te rendre à l'autre bout du monde était un défi. Il a fait deux mois à Londres, qui était la capitale mondiale de tout, dans une salle de 2000 ou 3000 places. »
Sauf que ses préoccupations demeurent essentiellement familiales... « Tu ne joues pas une légende, tu joues un homme. Un vrai gars, comme toi et moi. Toi tu écris, moi je joue, lui il était fort. Tu ne peux pas jouer un demi-dieu, jouer comme Superman, il faut jouer un vrai gars, de famille, qui est là, qui prend des décisions difficiles et qui nous fait penser à quelqu'un qu'on connaît. Pour moi, c'est ça le test ultime. S'il te fait penser à quelqu'un que tu connais, pour moi c'est un personnage qui est réussi. »
Selon le réalisateur : « On ne réduit pas les enjeux, en fait c'est que même s'il y a de gros enjeux planétaires, pour créer l'humanité du personnage, il faut aller dans les défis de sa vie personnelle. Sans mettre de côté les aspects de sa vie publique, de ses défis professionnels, tous les records qu'il a battus, ses accomplissements, etc. C'est important qu'il y ait les deux. »
« Le piège, ça aurait été de jouer « L'homme le plus fort du monde ». Non, je joue Louis, un gars de Napierville, qui a fait ça de sa vie. »
Louis Cyr : L'homme le plus fort du monde est distribué par Les Films Séville.