C'était écrit dans le ciel que le cinéaste Oz Perkins - qui a offert avec Longlegs l'un des meilleurs films d'épouvante des dernières années - allait adapter un jour une oeuvre de Stephen King. Le résultat est The Monkey qui est à la fois inégal et complètement cinglé.
Transposer l'univers du maître de l'horreur américain n'est jamais une sinécure. Pour un succès, il y a généralement dix échecs. Dernièrement, les déceptions se sont accumulées au cinéma avec The Boogeyman, Firestarter et Doctor Sleep. Publiée en 1980, The Monkey est une nouvelle qui ne paye pas de mine, alors qu'un jouet à l'effigie d'un singe déclenche des morts atroces. Il s'agit d'une simple variation sur It avec ce jeune héros traumatisé qui, rendu à l'âge adulte, devra affronter ses peurs d'enfance.
Au lieu de la jouer sérieusement comme son adaptation non officielle The Devil's Gift (1984), Perkins a plutôt décidé de souligner l'absurdité de l'automate macaque tueur, transformant le récit en une comédie très noire et joyeusement gore. L'introduction débute sur les chapeaux de roue, donnant rapidement le ton, rappelant les excès communicatifs d'un Quentin Tarantino.
Les décès brutaux et grotesques se succèdent au tournant, faisant rire aux larmes ou laissant complètement indifférent selon son degré d'humour. The Monkey est un peu l'équivalent au cinéma horrifique de Deadpool aux films de superhéros, s'avérant à la fois sadique et grossier, amusant et quelque peu lassant. La voix hors champ ironique est similaire, tout comme les situations sardoniques. Il ne faut seulement pas s'attendre à avoir peur, ce qui arrive de plus en plus souvent lorsque le genre est traité sur le plan de la satire (comme ce fut le cas récemment de Heart Eyes).
Cela n'empêche pas le metteur en scène et scénariste de vouloir traiter de thèmes graves comme la fatalité et la famille avec un sourire en coin kitch pleinement assumé. Le singe représente la peur de mourir et l'héritage familial que l'on peut transmettre de génération en génération. Un motif qui résonne en sachant que le père de Oz, Anthony Perkins, immortalisé dans Psycho, est décédé de complications liées au sida. Mais on peut également affirmer que fiston possède un sens de l'humour tordu lorsqu'il fait littéralement tomber des avions du ciel, lui qui a perdu sa mère lors des attentats du 11 septembre 2001...
S'il n'y a rien à prendre au sérieux dans cette série B dévergondée, le ton devient de plus en plus poussif. La première partie plus que satisfaisante laisse place à une seconde qui verse volontairement dans l'outrance et le n'importe quoi. Tout peut arriver... et finira par arriver, mais le rythme chancelant et la minceur des personnages caricaturaux mettront la patience de plusieurs à l'épreuve. Entre le charme juvénile de Christian Convery (Cocaine Bear) et l'inexpressif Theo James (trilogie Divergent) qui joue le même rôle à l'âge adulte, on voudra se réfugier dans le monde de l'enfance pour ne plus jamais en ressortir.
La réalisation maximaliste de Perkins élève heureusement les enjeux. Le cinéaste a développé son style depuis une décennie dans le cinéma d'horreur sans faire trop de vagues avec The Blackcoat's Daughter (une histoire d'exorcisme efficace, quoique brouillonne), I Am the Pretty Thing That Lives in the House (un suspense maniéré faisant écho aux vieux essais de Polanski) et Gretel & Hansel (une nouvelle version lustrée, mais un peu ennuyante du classique littéraire). Il a fallu attendre Longlegs, succès surprise de 2024, pour «découvrir» réellement Perkins, qui se prenait parfois pour David Lynch en revisitant The Silence of the Lambs et Cure. Légèrement moins percutante, sa mise en scène n'en demeure pas moins d'une grande maîtrise formelle, prenant son temps pour développer son atmosphère avant d'y aller à fond lors de séquences psychédéliques.
Produit par James Wan qui avait également développé l'histoire de la poupée tueuse M3GAN, The Monkey fait la part belle à l'humour déluré et aux morts trashs, transformant une matière première clichée en feux d'artifice de surprises et d'émotions fortes. Les excès ne seront toutefois pas pour tous les appétits et l'effort ne risque pas de devenir culte comme le précédent Longlegs de son créateur.