Pour des raisons inconnues, le cinéma québécois semble être incapable de faire un bon film de genre. Les adaptations de Sur le seuil et 5150 rue des Ormes étaient décevantes, Kim Nguyen s'est cassé la figure avec Truffe (son Marais était toutefois pas mal), La peau blanche a convaincu peu de gens et encore moins La dernière incarnation. Et on ne parle même pas du désastre du Poil de la bête. Il faut pratiquement remonter à Dans le ventre du dragon pour trouver quelque chose de moindrement satisfaisant et se rappeler que Les sept jours du Talion s'avérait plus psychologique qu'autre chose.
C'est là que débarque Le scaphandrier, dans un marché presque vierge. L'entrée en matière, sur fond d'un bateau à la dérive rempli de cadavres, pique la curiosité. Sauf qu'une question essentielle survient rapidement: ce qu'on voit est un drame ou une comédie? Cela prend encore quelques minutes pour arrêter son choix et se dire qu'il est impossible de prendre le tout au sérieux.
Comment peut-il en être autrement avec une horde de personnages caricaturaux, stupides et irritants qui prennent toujours les pires décisions au monde? Les dialogues, inintelligibles, sont parsemés de trouvailles douteuses du genre "mon amour, ça te dirait d'aller faire une virée sur mon harbor?". De quoi avoir pitié des comédiens. D'Édith Côté-Demers qui semble provenir d'un mauvais Bye Bye, d'Alexandre Landry qui était pourtant si puissant dans Gabrielle et L'amour au temps de la guerre civile et de Raymond Bouchard qui porte des cheveux encore plus ridicules que dans la défunte émission télévisée Radio.
La trame narrative (ou plutôt son absence) pille à gauche et à droite dans le cinéma fantastique, empruntant des fantômes, des vieilles légendes et même des morts-vivants. Sauf que l'histoire ne répond à aucune logique: les scènes s'empilant sans jamais faire de sens. L'intrigue consiste seulement à aller voir un personnage qui envoie notre héroïne vers un autre personnage, alors que le méchant scaphandrier passe son temps à trucider les gens. Au passage, il faut noter le regard "plein d'intelligence" sur le journalisme qui est encore plus "juste" que dans Les jeunes loups.
La mise en scène d'Alain Vézina n'aide pas. Les plans de caméras se suivent et se ressemblent, la musique est utilisée un peu n'importe comment en tentant de faire sursauter en vain et les effets spéciaux risibles laissent grandement à désirer. Peu importe que le budget soit énorme ou pas. Il faut seulement l'utiliser convenablement, en recourant notamment au pouvoir de la suggestion. Un terme qui fait grandement défaut ici et qui tranche avec Thanatomorphose et Discopathe, deux longs métrages fauchés et pratiquement inconnus de la Belle Province qui ont une plus grande maîtrise du genre.
Il faut se demander ce que Le scaphandrier cherchait à faire. Être une des rares productions horrifiques du Québec? Si c'est le cas, plus personne ne voudra suivre ses traces tant elles sont indigestes. Si seulement le film faisait peur... ou qu'il faisait rire... ou qu'il était gore... surprenant... ou ancré dans une quelconque réalité sociale (autre que celle de laisser les morts tranquilles). Il y a bien une ou deux scènes qui font sourire. C'est pourtant insuffisant pour en faire un Dead Snow de chez nous.
À force de vouloir reproduire volontairement la recette de quelques références d'ailleurs, en cherchant à être culte et postmoderne, l'effort passe complètement à côté de son objectif. Car il n'y a aucune once d'authenticité, aucun réel désir de cinéma. On n'est pas dans la référence ou l'hommage, mais dans l'ersatz à deux sous. Le mauvais est simplement mauvais, il ne se transforme pas en bon comme certaines créations tellement ratées qui en deviennent presque supportables. On imagine très bien ce concept se limiter à une bande-annonce efficace ou à de très courts métrages qui sont présentés à Fantasia ou à SPASM. Mais à près de 80 minutes, c'est au moins une heure de trop. À côté de ça, Angle mort est un bon film. Et ça, c'est terrifiant à écrire.