Si François Ozon n'est pas, à proprement parler, un réalisateur à thèse - en ce sens qu'il n'accompagne pas ses films de modes d'emploi explicites aiguillant les spectateurs vers une explication sociologique ou psychologique des motivations des personnages, et que la diversité de son oeuvre ne défend pas une idée empirique du cinéma - il est rarement aussi observateur externe que depuis deux films. Sorti l'an dernier chez nous, Dans la maison proposait une étude sur l'étude de la narration, couplée d'un suspense psychologique (généralement maîtrisé) où le réalisateur laissait interagir des personnages qu'il semblait prendre au piège à l'intérieur du cadre de sa caméra. Avec Jeune et jolie, même principe, mais les personnages semblent encore plus libres, moins contrôlés, moins expliqués.
Il y a là bien évidemment la qualité de l'imprévisibilité, le récit de Jeune et jolie étant impossible à subodorer. On y est donc constamment rattaché par un désir brûlant d'en savoir plus, de poursuivre le récit, malgré que ce désir nous soit régulièrement refusé. Voilà qui en dit long sur la richesse des personnages, sur la profondeur des interprétations et sur le travail d'Ozon; on comprend bien ici que s'il semble ne rien contrôler, cela signifie en fait qu'il contrôle tout, à la manière de Potiche et de 8 femmes (la différence étant que dans ces deux cas, le contexte rend le geste du réalisateur plus apparent).
Toutefois, il y a là aussi un problème qui gâche presque le long métrage : l'héroïne, incarnée avec un désintérêt convaincu par Marine Vacth, inspire rarement l'empathie lors de ses débuts dans la prostitution, elle qui est la victime consentante d'un désir aux contours qui demeureront obscurs. Malgré toutes les tentatives des personnages à l'intérieur du film, des interrogatoires aux psychologues, les motivations de l'adolescente demeurent enfouies, et le réalisateur s'obstine à ne rien expliquer. Pas d'explication vaut encore mieux qu'un explication bancale, certes, mais la force dramatique du film en souffre, au moins jusqu'à ce qu'Isabelle prenne enfin le contrôle.
C'est dans cette deuxième partie, une fois le hobby révélé aux parents (et de quelle manière!), qu'on commence à ressentir l'intensité du récit, que les personnages semblent prendre vie, et le film du même coup, jusqu'à une scène finale captivante. Des scènes dialoguées finement écrites (entre Isabelle et son beau-père, tout particulièrement) et élégamment montées, qui viennent créer une confusion contrôlée où on cherche à comprendre et à en savoir plus. Ozon le sait et il fait la même chose avec les scènes de sexe : on voudrait davantage et il refuse, comme pour asseoir son contrôle. Comme un jeu sexuel tordu...
Au final, voilà un long métrage qui déçoit quelque peu, malgré des scènes très intenses et une direction assurée de François Ozon. Les interprètes aussi sont efficaces, mais on est véritablement passionné que par moments, et immanquablement déçu par les promesses d'un récit à la profondeur psychologique tellement impénétrable qu'on ne sait finalement pas si ce qu'on y voit y est vraiment.