Le deuxième long métrage du réalisateur Daniel Roby, Funkytown, prendra l'affiche dans les salles ce vendredi. Le film met en vedette Patrick Huard, Sarah Mutch, Paul Doucet, Justin Chatwin et Raymond Bouchard.
En 1976, le Québec se croyait à la veille de devenir un pays, Montréal voulait devenir la métropole la plus courue en Amérique du Nord, et une mode appelée « disco » influençait toute une génération. Funkytown raconte l'histoire de sept personnages qui tentent de se tailler une place dans cet univers d'excès où tout était permis alors que, pour l'espace d'un moment, le disco était roi.
« On est venu me chercher pour faire Funkytown, après La peau blanche j'avais d'autres projets de films personnels, mais Simon Trottier, un jeune producteur qui avait déjà fait cinq ans de recherche sur l'époque disco à Montréal, m'a demandé si j'étais intéressé à travailler sur le projet. Au début, je dois avouer que je n'étais pas certain, mais après avoir lu toute sa documentation, j'ai découvert une époque riche, qui a marqué beaucoup de gens. J'étais aussi attiré par le contexte historique; c'est une époque de changements, d'effervescence à Montréal, de bouleversement, c'est une période de rêve de grandeur et d'accomplissement (le Parti Québécois au pouvoir, les Jeux Olympiques, etc.). Je me disais qu'il y avait très certainement une histoire à raconter sur le sujet », confie le réalisateur.
« Au départ, Simon voulait faire uniquement l'histoire de Bastien, le personnage d'animateur de radio et de télé qu'incarne de Patrick Huard. Mais quand on a approché le scénariste Steve Galluccio, qui a écrit entre autres Mambo Italiano et une douzaine de pièces de théâtre en anglais, il nous a dit que si on voulait parler de cette époque-là, on se devait d'avoir plusieurs points de vue, pour mieux dépeindre la période historique en question. Il a pondu environ une dizaine de trames parallèles au départ, il a livré un scénario de 170 pages, c'est une saga! », explique Roby.
Pourquoi vous être tourné vers Los Angeles pour dénicher certains acteurs? « La difficulté principale du casting, c'est l'aspect bilingue du film. Si le film avait été en français, on aurait casté tous les acteurs en deux semaines. Trouver une actrice qui ressemble à un mannequin ou un mannequin qui sait jouer; ce n'est pas évident, tout comme un Italien dans la vingtaine, charmeur, danseur et anglophone. Après avoir parcouru sans succès le Canada à la recherche de la perle rare, nous avons engagé une directrice de casting de Los Angeles. Elle nous a fait rencontrer Justin Chatwin, qui était dans le top de ma liste de choix pour incarner Tino, ainsi que Sarah Mutch, qui a illuminé la salle lorsqu'elle est entrée. J'ai su tout de suite qu'elle était mon Adriana. »
Avez-vous les moyens financiers de vos ambitions? « Même si j'avais eu un budget de 50 millions $ ça n'aurait probablement pas été suffisant, plus on en a, plus on en veut. À la fin du tournage, nous n'avions plus d'argent, alors je me déplaçais moi-même avec un technicien sur le pont pour prendre des images le soir. J'avais des millions pour faire mon film, mais j'ai tout de même fini par trimbaler mon stock sur mes épaules pour faire des clichés de Montréal comme si je faisais un film amateur. »
« Au niveau de la réalisation, j'ai filmé les scènes de fête, de frivolité, de manière plus dynamique - je me suis amusé avec la steadycam - alors que les séquences dramatiques ont été tournées en plans plus fixes, plus stables pour laisser parler la situation plutôt que l'image. »
L'acteur Paul Doucet, qui sera également cette année de la distribution des longs métrages Frisson-des-collines et Sur le rythme, interprète Jonathan, un personnage inspiré de Coco Douglas Leopold, une personnalité très connue dans le Montréal des années 70. « C'est une personne très extravertie, un être spectaculaire qui décide de ce qui est « in » et de ce qui est « out ». Il est complètement assumé dans qui il est, ce qu'il dit, comment il le dit, quand et pourquoi. C'est très libérateur à jouer. On a souvent tendance à se limiter dans ce qu'on dit, à cause de la société et de ses normes, mais Jonathan est entièrement libéré et indépendant. Il y a également un contraste très intéressant au coeur du personnage puisqu'autant il peut être démonstratif et excentrique en public, autant dans sa vie personnelle il est sobre et seul. »
« Il y avait un souci d'authenticité incroyable dans ce film. L'équipe voulait par exemple les bonnes années pour les véhicules. Il y a beaucoup de vêtements qui ont été trouvés sur Ebay qui datent de cette époque-là. Toutes les scènes du Starlight, ça s'est tourné dans un club qui s'appelle maintenant La Boom, qui l'emplacement exact de l'ancien Limelight, qui a véritablement existé et qui a été un précurseur dans la mode du disco. »
Y-a-t’il une scène qu'on a dû retirer du montage final qui vous manque particulièrement? « Il y a une très belle scène avec ma mère, où on apprend que la mère de Jonathan est une juive hassidique. Il va la trouver et elle lui dit qu'elle ne peut pas accepter son mode de vie, que sa famille ne l'accepte pas non plus et qu'il doit cesser d'espérer une réconciliation tant et aussi longtemps qu'il ne changera pas. Pour moi, c'est un moment très important pour le personnage, que le public ne voit pas, mais qui m'habite quand même dans mon jeu. C'est d'ailleurs un des choix difficiles que Dany et le producteur ont dû faire. C'est une des dernières scènes qu'ils ont coupées pour arriver aux deux heures quinze que dure le film. »
Patrick Huard, qui a présenté son deuxième long métrage en tant que réalisateur cet été, Filière 13, est ici présent en tant qu'acteur. Il incarne le personnage principal, Bastien Lavallée, un animateur de radio et de télévision au sommet de sa gloire. « Bastien a, si on peut dire, plusieurs personnalités. Il a un côté un peu torturé qui se laisse aller dans le tourbillon de la gloire, de la drogue, des femmes et du matérialisme et un autre sensible et attachant qui tente d'être un bon père et un bon mari. »
Le personnage est librement inspiré d'Alain Montpetit, un homme qui, comme son homologue dans le film, aurait assassiné une mannequin dans un appartement new-yorkais et est mort d'une surdose à 37 ans. « Les personnages ne sont qu'inspirés de personnalités connues, principalement parce qu'au fil du temps, on a attribué à certaines personnalités des évènements qui ne leur sont pas réellement arrivés uniquement parce qu'ils étaient la quintessence de cette époque-là. Il y a plein d'anecdotes depuis qui se sont mélangés, et cela devenait particulièrement difficile de faire la part des choses, entre la vérité et la rumeur. Difficile donc pour un scénariste de prétendre biographier un être dont les actions sont si mitigées. »
« Une chose que je trouve importante dans le personnage de Bastien c'est qu'on n'excuse pas son comportement par des choses qui se sont déroulées dans son passé, il est juste fait ainsi. Et ça, je trouvais ça vraiment intéressant puisque après, le rendre attachant, humain, devient un défi de taille pour un acteur. »
Prévoyez-vous un jour réaliser un film que vous auriez scénarisé? « C'est une suite logique, je crois, mais pour l'instant j'ai d'autres projets de cinéma en cours. Notamment une comédie de bandits, qui s'appelle 5 et qui raconte l'histoire d'un groupe de gars qui doit commettre un vol pour sauver le fils de l'un d'eux. J'ai également un autre projet en tant qu'acteur, que je devrais pouvoir annoncer d'ici quelques semaines. »
Funkytown prendra l'affiche dans les salles le vendredi 28 janvier.