Si Noël est le temps de l'année pour apprécier de bons moments en famille, pour beaucoup, le mois de décembre est également propice aux sorties familiales dans les cinémas. C'est également le temps de l'année où le ratio recettes/temps est le plus élevé. En effet, quelques semaines à peine suffisent pour engranger entre 10 et 15 % du box-office total de l'année. Les studios, les exploitants de salles, les distributeurs ont très peu de temps pour amener le plus de spectateurs possible voir les films et plusieurs facteurs régissent la programmation des cinémas en cette période de l'année. D'ailleurs, même si les prix d'entrée ont régulièrement augmenté avec les années - on pense notamment à la surcharge sur les films en 3D - le cinéma demeure une option relativement abordable pour les familles, et sortir au cinéma est encore une activité très populaire au Québec.
Les enfants sont en congé, les parents prennent congé, les adolescents et les étudiants sont en congé ce qui explique la diversité de la programmation du temps des fêtes. Il y en a toujours pour tous les goûts: du gros film d'action (Jack Reacher) au film candidat pour les Oscars (Django Unchained, Les Misérables) en passant par le film familial (Les Pee-Wee : L'hiver qui a changé ma vie) et la grosse comédie (Parental Guidance). Les distributeurs font également de la contre-programmation, espérant attirer en salles un public différent de celui généralement séduit par les gros budgets américains. Ce public généralement plus âgé est également plus restreint et amateur de films d'auteurs (De rouille et d'os).
Or, l'espace pour placer des films en salle est limité. Environ 750 écrans sont répartis sur l'ensemble du territoire québécois; lorsqu'un gros titre prend l'affiche, la plupart des exploitants désirent l'obtenir en primeur. Pour de très grosses sorties, comme les films de la série Harry Potter ou Twilight, c'est près de 200 écrans qui sont monopolisés lors de la sortie, soit presque le tiers des écrans du Québec. Si le titre fonctionne bien, il perd peu d'écrans de semaine en semaine, laissant peu ou pas de place pour les nouveautés qui prennent l'affiche lors des semaines suivantes. C'est la raison principale pour laquelle les studios annoncent avec beaucoup d'avance les dates de sortie de leurs titres les plus porteurs. Généralement, une ou deux semaines séparent la parution de gros titres afin de permettre une optimisation des entrées. Surtout que la première semaine d'exploitation en salles est cruciale. Pour certains titres, elle peut aller jusqu'à représenter 40% du box-office total. L'importance de bien faire en première semaine est donc double: plus la première semaine et forte, plus le box-office final sera élevé, car elle convaincra les propriétaires de salles de maintenir le titre à l'affiche plus longtemps, allongeant la fenêtre d'exploitation.
Cependant, la suite du succès du film dépendra, le cas échéant, du bouche à oreille. S'il est positif, le film aura une longue durée de vie. Cela sera s'autant plus vrai qu'un bouche à oreille positif représente également l'avantage du repeat business: les cinéphiles ayant particulièrement aimé un film seront disposés à retourner le voir en salles plus d'une fois. Cela s'est produit avec Avatar et Titanic.
Or, le temps des fêtes est une période particulière: il n'y a aucune marge de manoeuvre, ni pour les studios, ni pour les cinémas. C'est véritablement la loi de la jungle et les choix de programmation s'avèrent cruciaux. Les titres similaires sont en compétition les uns contre les autres et le volume de films prenant l'affiche au même moment est plus élevé que durant le reste de l'année. À titre d'exemple, trois titres (Django Unchained, Les Misérables, Parental Guidance) prendront l'affiche le jour de Noël, un mardi, ce qui est atypique en programmation. Généralement, les films prennent l'affiche tous les vendredis avec quelques exceptions les mercredis lors de la période estivale (fin de semaine de l'indépendance américaine autour du 4 juillet) et également lors de la fin de semaine de l'Action de grâce américaine (Thanksgiving). Lors de cette fin de semaine, les studios peuvent compter sur un congé férié qui amorce la saison des fêtes chez nos voisins du Sud et ils en profitent pour lancer leurs gros canons. Entre Thanksgiving et la mi-décembre, le volume de sorties est généralement réduit. Par contre, dans le temps des fêtes, il n'est pas rare que les studios lancent certains titres un 25 décembre afin de profiter de la manne. Ce fut le cas l'an dernier avec War Horse et The Darkest Hour.
Dans les dernières années, le temps des fêtes a véritablement permis de rattraper un manque à gagner au niveau des recettes en salles. En 2009, c'est Avatar qui a sauvé la mise au Québec en cumulant plus de 5 millions $ en deux petites semaines. En 2010, le temps des fêtes a été plus tranquille alors que Tron: Legacy n'a pas atteint les objectifs. L'an dernier cependant, le box-office vivotait jusqu'à l'arrivée de The Adventures of Tintin le 9 décembre 2011. Les 5,7 millions $ cumulés dans les trois dernières semaines de 2011 ont permis de combler le manque à gagner.
Cette année, beaucoup d'espoir repose sur The Hobbit: An Unexpected Journey et c'était à prévoir, considérant que la trilogie The Lord of the Rings avait connu un impressionnant succès à Noël en 2001, 2002 et 2003. Cependant, ce film n'est pas le seul que les cinéphiles attendaient avec impatience et la compétition s'avère particulièrement féroce, d'autant plus que The Hobbit a connu la semaine dernière un départ correct, sans plus. Difficile de dire qui remportera le titre de Roi du box-office en cette période de célébrations, mais chose certaine, il y en aura pour tous les goûts. Bon cinéma!