Les premiers rendez-vous amoureux sont de plus en plus dangereux au cinéma. Dans le récent Heart Eyes de Josh Ruben, deux collègues de travail qui se retrouvaient le jour de la Saint-Valentin devenaient la cible d'un tueur en série. Cela ne s'améliore pas dans l'aussi trépidant Drop (Trollée en v.f.) qui est produit par Jason Blum et Michael Bay.
Veuve et mère d'un enfant, Violet (Meghann Fahy) rencontre pour la première fois Henry (Brandon Sklenar) après trois mois de clavardage. Ils décident de se voir dans un luxueux restaurant qui se trouve au sommet d'un immeuble. Rapidement, la jeune femme reçoit des messages inquiétants sur son téléphone d'un inconnu qui lui ordonne de lui obéir au doigt et à l'oeil... sinon son fils mourra.
La mode est à l'amalgame de genres et Christopher Landon en est un spécialiste dans ses meilleurs longs métrages. Pour le cinéaste américain, le chef-d'oeuvre Scream de Wes Craven peut être mélangé avec n'importe quoi, que ce soit Groundhog Day (Happy Death Day), Back to the Future (Happy Death Day 2U) et Freaky Friday (Freaky). Celui qui devait réaliser Scream 7 en propose un nouveau dérivé - l'accroche de l'essai n'est-elle pas «tout le monde est suspect»?- en le saupoudrant de comédie romantique. Impossible de ne pas penser au susmentionné Heart Eyes, dont Landon était un des scénaristes.
L'horreur de type slasher est cette fois momentanément remplacée par le suspense: celui qui tient en haleine dès les premières secondes. L'ingénieux scénario de Jillian Jacobs et Chris Roach (à qui l'on doit pourtant l'épouvantable Fantasy Island) finit par adopter le huis clos anxiogène, faisant graduellement monter la tension dans cet étonnant restaurant qui devient pratiquement un personnage à part entière. Les modèles du genre ne manquent pas - pensons à Red Eye de Wes Craven, Phone Booth de Joel Schumacher ou Buried de Rodrigo Cortes - et Drop n'a pas à souffrir des comparaisons dans sa façon de confronter son protagoniste désespéré à un vilain omniscient qui joue au démiurge.
Le superbe générique du début donne aisément la puce à l'oreille. Ce long métrage flirtera tantôt avec le thriller paranoïaque, tantôt avec le suspense hitchcockien. Tout ce qui change, c'est la technologie utilisée. Entre les téléphones intelligents, les micros dissimulés et les caméras de surveillances placées un peu partout, il y a de quoi se sentir observé à chaque instant.
Le film carbure aux révélations et aux fausses pistes. C'est d'ailleurs un jeu implicite que le spectateur doit accepter d'emblée. Si c'est le cas, il vivra des montagnes russes d'émotions fortes, l'humour se greffant parfois à l'angoisse. Le tout étant bien alimenté par une mise en scène efficace, où les mots s'emparent parfois de l'écran, tandis que les mélodies de Bear McCreary finissent par titiller une corde sensible.
En revanche, il se peut très bien que le cinéphile demeure extérieur à l'ouvrage tant l'intrigue tarabiscotée et tirée par les cheveux ne résiste pas à l'analyse. De quoi se dire «Tout cela pour ça?» quand le fin fond de l'histoire est finalement connu. La surprise est dévoilée à la fin du deuxième acte, laissant une dernière partie en dent de scie, ancrée dans une violence beaucoup plus quelconque et attendue. Si au moins une certaine ambiguïté persistait...
L'aspect romantique et sentimental permet d'apporter un peu de substance en parlant de solitude et de traumas. Cela se fait toutefois au détriment du rythme et de la cohérence du récit. Bien que la plupart des personnages demeurent au simple stade du stéréotype (le serveur, quel cliché ambulant!), la chimie demeure palpable entre les deux protagonistes. La très convaincante Meghann Fahy (de la série The White Lotus) possède un je-ne-sais-quoi de Michelle Pfeiffer et elle amène une gravité qui est la bienvenue. De son côté, Brandon Sklenar (It Ends With Us) demeure constamment à l'écoute de sa partenaire, lui renvoyant la balle avec une aisance déconcertante.
Divertissement sans prétention qui tient généralement au bout de son siège, Drop relève du film fast-food. Celui qui fait du bien pendant qu'il passe et qui ne laissera aucun souvenir impérissable. S'il ne s'agit peut-être pas de la sortie idéale pour un premier rendez-vous amoureux - quoiqu'aucun rancard ne risque d'être aussi périlleux que celui-ci -, l'ensemble s'avère parfait pour les amateurs de productions intenses qui font battre le coeur plus rapidement.