La jolie scène d'introduction de Thunderbolts* est représentative des films de Marvel, qui en sont déjà à leur 36e long métrage. On y retrouve Yelena Belova (Florence Pugh), seule au sommet d'un immeuble, qui semble s'ennuyer, étant incapable de meubler son existence vide. Pour cette superhéroïne de deuxième ou troisième ordre, les aventures se suivent et se ressemblent, à l'instar de ces superproductions interchangeables qui sortent régulièrement sur les écrans de cinéma. À quoi bon continuer? La question mérite d'être posée, surtout que les dernières années n'ont pas été tendres envers les créations de Marvel, dont la déconfiture en février dernier de Captain America: Brave New World n'est que le plus récent exemple en liste.
Trahie lors de son ultime mission, Yelena devra joindre ses forces à des individus aussi perdus qu'elle, que ce soit le Soldat de l'hiver (Sebastian Stan) reconverti en membre du Congrès américain, un Captain America déchu (Wyatt Russell), une être fantomatique (Hannah John-Kamen), un camarade russe (David Harbour) et l'amnésique Bob (Lewis Pullman). Des personnages que l'on a déjà vus auparavant, notamment dans Black Widow et Ant-Man and the Wasp. L'air est connu. Ces antihéros rappellent énormément ceux de Watchmen et, surtout, The Suicide Squad. Ils devront apprendre à travailler en équipe, comme dans Guardians of the Galaxy et certains épisodes des Avengers. Le message est martelé du début jusqu'à la fin, pour être certain d'être bien entendu.
Malgré le manque d'originalité de la prémisse, le long métrage divertit haut la main. La plupart des personnages sont attachants, mention spéciale à la toujours éblouissante Florence Pugh et à la figure tragique de Lewis Pullman. Puis il y a cet humour enfantin et délirant, répétitif quand David Harbour se met à parler, mais généralement attendrissant. La chimie opère entre les membres et elle est communicative.
Les scènes d'action plus impressionnantes que la moyenne bénéficient de l'excellente trame sonore de Son Lux (Everything Everywhere All at Once). Cinéaste d'oeuvres sommaires et oubliées (le sympathique Robot & Frank et le plus quelconque Paper Towns), Jake Schreier propose un solide travail de mise en scène, pas tant au niveau du rythme (qui tombe un peu au neutre à mi-chemin), mais dans sa façon d'élaborer son montage parallèle entre les différentes histoires.
Tout cela ferait de Thunderbolts* un essai agréable, mais dispensable, sans réel signe distinctif. La trame narrative politique - où apparaît l'hilarante Julia Louis-Dreyfus qui se pense encore dans Veep - demeure plaquée et insuffisamment développée, tandis que l'ensemble semble constamment en suspens, en attendant une suite qui sera plus complète et spectaculaire.
Les dantesques 45 dernières minutes soufflent cependant tout sur leur passage. Le ton ludique et comique devient mélancolique et dramatique. La noirceur s'empare de l'écran, les personnages sont confrontés à leur passé trouble et les thématiques sombres - solitude, dépression et autres problèmes de santé mentale - apportent une nuance et une profondeur indéniable au récit et aux individus. Le long métrage se transforme complètement, prenant la forme d'un cauchemar onirique qui lorgne parfois vers la brillante animation Paprika. On y retrouve la même inventivité formelle et des affrontements similaires sous fond de dualité. C'est là que le thème de la camaraderie développée prend tout son sens.
Thunderbolts* évoque sans difficulté les premières productions de Marvel: celles où l'émotion menait le bal. Au fil des années, elle fut oubliée dans une boîte de Pandore au profit du divertissement à sens unique, toujours prêt à satisfaire le fan service. Mais elle existe toujours. Bien que fragile, cet espoir d'un retour aux sources apporte un vent de fraîcheur à la série. Comme si, après une si longue période de vaches maigres, renouer avec quelque chose de plus substantiel devenait maintenant possible.