La satire politique est un genre en or qui a déjà offert son lot de classiques comme The Great Dictator et Duck Soup. Présente à la télévision (avec la série culte Veep) et au cinéma (l'hilarant Quai d'Orsay), elle s'est même permis un rare détour au Québec par l'entremise du cocasse Guibord s'en va-t-en guerre. Il ne faut toutefois pas penser qu'il s'agit d'un style impeccable. Pour un Caïman, il y a des dizaines de Casino Jack et Our Brand is Crisis l'apprend à ses dépens.
Il y avait pourtant matière à de grandes choses. Dans le cadre des élections présidentielles en Bolivie, une Américaine (Sandra Bullock) est dépêchée pour faire élire un candidat de droite peu populaire. Elle prend la chose personnelle lorsque son Némésis (Billy Bob Thornton) décide d'aider l'homme de gauche qui mène dans les sondages. C'est l'ingérence étasunienne dans toute sa splendeur avec son cynisme ambiant, ses coups bas en guise de tactiques, sa manipulation comme arme de domination et cette façon incroyable de convaincre un peuple de voter contre ses propres intérêts et ainsi demeurer dans la misère. Le tout s'inspire d'un pertinent documentaire de 2005 de Rachel Boynton qui lui, était basé sur des faits réels.
Tout ça est bien beau, mais faut-il que le scénario soit à la hauteur. L'espoir était présent par l'entremise de Peter Straughan qui a largement été récompensé pour son superbe Tinker Tailor Soldier Spy. Le résultat est tout autre. La prémisse n'exploite que partiellement son sujet qui est si riche. La satire manque de vitriol et de mordant, s'avérant souvent inoffensive. Il y a bien quelques situations rigolotes et des discours enflammés, mais ils sont trop dispersés. Étrangement, on préfère à cet humour sociologique, économique et politique des gags scatologiques et de vomi, une acclimatation difficile au pays qui mène à des blagues répétitives, de dangereuses courses d'autobus et des séances de beuverie qui se terminent en prison. Un traitement enfantin qui détourne l'attention. Lorsque le drame se transforme soudainement en un film de Costa-Gavras, la crise est traitée de façon simpliste et didactique, formatée pour ne pas que le cinéphile réfléchisse plus que trois secondes à ce qui arrive.
Capable du meilleur (George Washington) comme du pire (The Sitter), le metteur en scène David Gordon Green semble un peu perdu. Il offre une réalisation rythmée et appliquée, mais sans personnalité. Le spectateur qui ne le suit qu'avec parcimonie aura l'impression qu'il fait encore de grosses comédies grasses comme Pineapple Express et Your Highness. Ce serait oublier son sympathique Prince Avalanche, l'immense Joe avec Nicolas Cage et le très mélancolique Al Pacino dans Manglehorn: trois longs métrages plus que respectables qui sont sortis directement en dvd au Québec.
Il possède toutefois un don rare d'aimer et de s'effacer devant les acteurs et cela se fait toujours ressentir ici. Premier rôle au cinéma depuis son grandiose Gravity, Sandra Bullock offre une autre performance très convaincante. Elle incarne avec un malin plaisir cette héroïne au charisme certain, devenant souvent plus intéressante que les enjeux qu'elle doit défendre. Le truculent Billy Bob Thornton lui rend la pareille et leurs scènes ensemble sont aisément les meilleurs éléments de ce pétard mouillé.
Pas surprenant que George Clooney qui devait à la base réaliser et tenir un rôle important se soit retiré du projet en demeurant seulement producteur. Our Brand is Crisis avait toutes les cartes en main pour être une immense satire politique et il ne fait qu'effleurer son sujet. Avec un peu plus d'application au niveau du scénario, Sandra Bullock se serait retrouvée aux Oscars et le cinéaste David Gordon Green aurait enfin eu la renommée qu'il mérite tant.