Un des genres les plus sous-représentés du cinéma de la Belle Province est le film pour adolescents. Entre la vile superficialité des deux épisodes d'À vos marques... Party!, les inoffensifs Aurélie Laflamme et le manipulateur 1:54, il n'y a rien pour que ce public se reconnaisse dans notre septième art. Cela risque de changer avec Prank.
Cette production vient d'ailleurs combler un manque dans notre cinématographie. C'est une célébration de l'indépendance et de l'esprit badass. Comme si Judd Apatow s'était trouvé un petit frère québécois. Son humour grossier et vulgaire de type pipi-caca laisse émaner une vision sensible, touchante et révélatrice de l'adolescence. Une période parfois trouble et ingrate où l'on cherche des amis et qu'on fera tout pour se faire accepter d'une gang.
C'est ce qui arrive à notre jeune héros qui prête son téléphone à un voyou qui l'intégrera peu à peu à son groupe. Un quatrième mousquetaire qui fera également les 400 coups et qui découvrira les vertus de l'amitié, de l'amour... et de la difficulté de cohabiter avec les autres.
S'il s'agit d'un âge où l'on vit des choses intenses, il ne faut pas oublier de déconner. On le fait ici notamment à l'aide de séances de farces et attrapes qui sont filmées comme dans Jackass. Le réalisateur Vincent Biron mélange les genres et les styles avec aisance, se permettant même des ruptures de ton assez réussies. Il a surtout su soutirer toute l'authenticité souhaitée de ses acteurs inconnus - Étienne Galloy, Alexandre Lavigne, Simon Pigeon et Constance Massicotte - qui ont la gueule de l'emploi.
Tout cela est bien gentil, sympathique et même attendrissant. Il ne faut toutefois pas se fier aux nombreuses rumeurs dithyrambiques et au fait que le long métrage a été présenté aux festivals de Venise et de Toronto pour crier au génie. Malgré tout son bon vouloir, Prank est à peine supérieur à 1981 et 1987 et il ne possède ni la fraîcheur d'À l'ouest de Pluton, ni l'intelligence des Démons, ni la profondeur de Tout est parfait ou la force d'impact de Jo pour Jonathan (pour rester dans la fiction, parce que du côté des documentaires, entre Bienvenue à F.L., La marche à suivre et quelques essais de Rafaël Ouellet, l'ensemble a été largement traité). Le scénario concocté par Alexandre Auger, Éric K. Boulianne, Marc-Antoine Rioux et Vincent Biron est malheureusement vide et d'une facilité déconcertante, avec des gags souvent répétitifs et de faibles enjeux dramaturgiques... même pour un récit d'à peine 80 minutes.
Ces attentes irréalisables dans une année où le cinéma québécois ne s'est pas vraiment démarqué ne sont évidemment pas la faute de Prank. Ce premier film irrévérencieux est imparfait comme ses sujets et il s'avère malgré tout une jolie surprise du champ gauche. Principalement lorsqu'il décide de parler de cinéma. Les amateurs d'action se remémoreront de leurs "classiques" préférés, alors que la blague sur le chef-d'oeuvre Le cheval de Turin de Béla Tarr demeure un des gags les plus hilarants de 2016. Une agréable bouffée d'air frais qui se dissipe un peu trop rapidement.