Abbas Kiarostami est probablement le cinéaste iranien le plus en vue sur la scène internationale - surtout si on fait exception de Jafar Panahi, dont l'emprisonnement puis l'interdiction de tourner ont raréfié les apparitions - et il est souvent convié dans les festivals les plus importants où il a, par le passé, gagné plusieurs prix. Il n'est pas étonnant de le voir faire émigrer son cinéma vers l'Italie (Copie conforme), puis vers le Japon avec Like Someone in Love. Malgré ce déracinement, le célèbre réalisateur demeure près d'un style lent et mouvant qui a forgé son identité cinématographique.
Présenté à Cannes l'an dernier lors du Festival, Like Someone in Love n'a pourtant pas enflammé les passions, même s'il s'agit d'un film s'inscrivant particulièrement bien dans la riche filmographie du cinéaste, prouvant d'une certaine façon que ses films (et le succès qu'ils ont rencontré) en Occident n'étaient pas tributaires d'un faux-exotisme quasi-colonialiste. Ce ne sont pas des curiosités, ce sont de véritables réflexions humanistes partagées par toute l'humanité, Orient et Occident sans distinction. En d'autres mots : Kiarostami a l'habitude de forcer le spectateur de bonne foi à se poser des questions, d'où qu'il soit, à réfléchir à ce qu'il voit (et entend), sans considérer les notions de vrai et de faux, et il le fait encore avec Like Someone in Love.
C'est donc dans un état de constante découverte que l'on regarde (et voit) ce film minutieusement construit et fort thématiquement. Il tire d'ailleurs cette force de l'idée qu'on ne ressent pas chez le cinéaste un désir de convaincre, mais plutôt de toucher, de rejoindre. Le contraire d'un cinéma aride, mais sans les bassesses mélodramatiques auxquelles se prêtent certains cinéastes. Émotionnellement fort à plusieurs endroits, et moralement ambigus à d'autres, Like Someone in Love est un film simple mais mature qui évoque beaucoup. Les personnages sont crédibles et attachants, même lorsqu'ils ont (temporairement) le rôle d'antagoniste.
Les acteurs y sont particulièrement efficaces, d'autant que leur présence, dans le contexte où le réalisateur est un Iranien « expatrié », réfère à bien davantage qu'une simple performance. Comme plusieurs thématiques liées aux coutumes dans le film, leur jeu délicat nous apparaît comme une expérience culturelle; en effet, comment peut-on commenter leur prestation sans comprendre leur langue? Les sous-titres suffisent-ils? C'est toujours le cas, mais d'autant plus éloquent ici considérant que le réalisateur est iranien...
Quelques digressions et personnages secondaires s'intègrent cependant mal, au final, à la trame principale, et ne font qu'allonger inutilement le récit qui est déjà assez ténu narrativement - mais pas thématiquement, bien sûr.
Certes, Kiarostami a déjà été plus inspiré, et peut-être est-il mieux habilité (lorsqu'on le regarde d'ici, car je doute que ce soit l'avis des autorités locales) à parler de son pays, de sa culture et de sa société. Mais ce nouveau film prouve sans équivoque qu'il demeure un réalisateur dont l'humanité est universelle, et ce film s'inscrit superbement dans son oeuvre.