Avec le succès des adaptations de livres pour jeunes adultes ces dernières années, il n'est pas étonnant de voir toutes les oeuvres littéraires du genre avec un certain potentiel faire l'objet d'un film. The Giver possède une mythologie très intéressante, du même type que les Hunger Games et les Divergent de ce monde. D'ailleurs, les analogies à l'oeuvre de Veronica Roth sont nombreuses. La cérémonie au cours de laquelle les gradués se font octroyer un métier par les sages est en tout point semblable à celle où les jeunes de Divergent doivent choisir leur faction. On ne peut pas parler ici de plagiat puisque The Giver (1993) est venu bien avant Divergent (2011), mais on ne peut pas non plus ignorer les similarités monumentales.
La mythologie de The Giver est très complexe. Il y a des règles auxquelles les citoyens doivent se soumettre, des injections qu'ils doivent prendre pour oublier certaines choses de leur passé commun, des frontières qu'ils ne doivent pas outrepasser, des idées auxquelles ils n'ont pas le droit de réfléchir et des sensations qu'ils doivent réprimer. Il est impossible, à moins d'être un as de la synthèse (ce qu'ils ne sont pas, visiblement), d'expliquer les fonctionnements de ce microcosme en à peine 90 minutes, et ce, en y adjoignant une intrigue cohérente et pertinente. Oui, Hunger Games et Divergent y sont arrivés, mais ils ont pris 142 et 139 minutes respectivement pour le faire. Attention par contre, je ne suis pas en train de dire qu'il aurait suffi d'ajouter quelques scènes à The Giver pour qu'il soit réussi (je n'aurais pas enduré une minute de plus de cette aberration cinématographique), mais il aurait fallu mieux illustrer les dédales de ce monde alternatif, et prendre son temps aurait été un bon début. Utiliser la narration comme une béquille à un contenu trop faible n'est pas une solution acceptable. Je la refuse catégoriquement, et il aurait dû être de même pour Hollywood.
Nous ne sommes pas non plus ici témoin de grandes performances d'acteurs. Évidemment, il faut les excuser en partie puisqu'ils sont forcés d'exprimer une très large gamme d'émotions (de l'exaspération à la haine en passant par l'amour et l'enchantement) en un peu plus d'une heure trente, mais reste tout de même que les nombreuses contorsions du visage de Brenton Thwaites n'ont pas foi de tout, et que la performance de Katie Holmes ne convaincra personne que ses talents ont été sous-estimés ces dernières années au profit de commérages sur sa vie sentimentale.
Il y a beaucoup de « ridicule » dans The Giver. Les souvenirs que le passeur transmet au protagoniste et dans lesquels le héros s'y voit comme une partie prenante sont plus burlesques que dramatiques. Cet amour que le personnage principal entretient pour sa voisine est peu crédible et c'est sans parler de celui qu'il développe pour un bébé que sa famille accueille chez elle pendant quelque temps... Qu'il soit dépositaire de la mémoire collective ou qu'il exerce je ne sais quelle tâche abstraite, un homme ne peut pas traverser déserts et montagnes enneigées avec un bébé attaché sur le ventre et un minuscule sac sur le dos contenant ses vivres. Le film est parsemé de ces non-sens qui nous empêchent de nous attacher aux personnages et à l'histoire, même si celle-ci, dans les faits, aurait pu être captivante.
Oui, on parlera sûrement de ce travail de photographie, de cette accentuation couleurs pour matérialiser le degré d'émotivité et de connaissance des protagonistes, mais un contenant intéressant ne peut excuser un contenu si faible. Désolé d'avance à toutes celles qui s'amouracheront de Brenton Thwaites et voudront le défendre contre ces odieux critiques qui ne comprennent rien.