Les films d'espionnage ont la vogue ces temps-ci au cinéma. Quelques semaines après le truculent Black Bag de Steven Soderbergh et en attendant l'ultime volet de Mission: Impossible qui sortira sous peu, place à l'étonnamment solide The Amateur (L'amateur en v.f.)
Lorsqu'un employé de bureau de la CIA (Rami Malek) constate que ses supérieurs tardent à s'attaquer aux meurtriers de sa femme, il décide de prendre les choses en main. Ses forces ne sont pas le combat au corps ou le maniement des armes, mais l'élaboration de plans malins qui lui permettra d'arriver à ses fins.
Adapté du roman de Robert Littell par deux scénaristes compétents (auteurs notamment des scripts de American Made et Black Hawk Down), The Amateur a tout du long métrage d'espionnage classique. Il est question d'honneur et de trahison, de courage et de délation, au détour d'une intrigue rondement menée qui se déroule dans plusieurs pays. Les moments de tension et de réflexion succèdent à des séquences plus explosives et spectaculaires. La mise en scène rondement huilée rappelle que le cinéaste James Hawes a mangé ses croûtes depuis son plus terre à terre One Life.
Si elle demeure par moment trop lisse et invraisemblable, cette version du roman s'avère supérieure à l'adaptation réalisée en 1981 par Charles Jarrott et qui mettait en vedette John Savage et Christopher Plummer. Les enjeux sont beaucoup plus crédibles et le rythme affûté au couteau laisse peu de temps mort, alors que l'intrigue utilise à bon escient des avancées à la fine pointe de la technologie tout en exploitant favorablement la situation géopolitique contemporaine.
Ce qui permet toutefois à The Amateur de sortir quelque peu des conventions est sa façon d'interroger l'humanité en déroute. Bien que kitch et appuyée par la jolie musique de Volker Bertelmann, la relation entre le héros et sa douce fantomatique ne manque pas de sensibilité. Tout comme l'apport de cette alliée endeuillée (superbe Caitriona Balfe, fortement remarquée dans Belfast) qui a simplement besoin d'un contact humain.
Il y a également toutes les questions du tueur qui peut sommeiller en nous et de la difficulté de vivre avec les conséquences de ses gestes qui se trouvent au coeur du récit. Loin d'être utilisé de façon aussi primitive que dans tous les Taken de ce monde, le thème de la vengeance résonne autrement. Ce n'est pas toujours très profond, mais cela a le mérite d'exister. À ce chapitre, la confrontation finale avec le principal assassin se fait à l'aide de mots et le bourreau bénéficie grandement de la présence de Michael Stuhlbarg (l'inoubliable père de Call Me by Your Name).
Depuis son oscar pour Bohemian Rhapsody, Rami Malek a beaucoup galéré, apparaissant dans des créations décevantes (Amsterdam, No Little Things) ou n'étant pas particulièrement convaincant au sein de productions prestigieuses (Oppenheimer, No Time to Die). Le mauvais sort est enfin rompu avec ce projet qui n'est pas sans rappeler la série télévisée Mr. Robot. L'acteur a toujours excellé dans la peau d'individu timide et asocial, à la fois obsessionnel, timoré et intellectuel. Tout se joue dans son corps et sur son visage, le nerd brillant à chaque fois qu'il apparaît à l'écran.
Nettement meilleur que ce que laissait présager son synopsis et sa bande-annonce, The Amateur utilise une trame narrative conventionnelle afin de parler des zones sombres qui sommeillent en nous. L'art de subvertir le divertissement à usage unique en l'amenant vers quelque chose de plus substantiel.