On répète souvent dans ces pages qu'au cinéma - et dans l'opinion publique - le drame a meilleure presse que la comédie (un estimé collègue parlait de « tyrannie du sujet »). Qu'une performance d'acteur dramatique valait bien davantage qu'une performance comique, qu'il y avait plus de mérite à faire pleurer qu'à faire rire, et que la comédie, ça ne peut pas être sérieux. Mais ça l'est. De nombreuses comédies ayant pris l'affiche ces dernières années (et dont on a abondamment parlé ici) l'ont prouvé : ce n'est pas parce qu'on est drôle qu'on ne dit rien, et certaines d'entre elles demeurent de fascinantes explorations de la psyché humaine, souvent bien plus crédibles que certains drames tirant sur le mélo.
C'est un peu la mission que se donne Lola Versus. Être actuel et être honnête quant aux aspirations de son personnage, donc des spectateurs de son statut socio-démographique (tous ceux et celles qui voudront bien s'y identifier, finalement). Mais malgré le charme irréfutable de Greta Gerwig, jamais ce personnage ne semble suffisamment complexe ni maîtrisé pour mériter un long métrage en entier. Certaines scènes fonctionnent très bien, mais bientôt, le film tire davantage vers la suite de sketchs à l'intérêt inégal que vers le long métrage de fiction. D'autant que ses revirements tirent vers le soap...
Que le personnage soit en processus d'être défini (d'écriture, en quelque sorte), ne serait pas un problème s'il pouvait compter sur des personnages secondaires forts. Ici cependant, autant les parents trop cool pour être vrais que la meilleure amie désespérée, que le meilleur ami dont on tombe amoureux et que l'étrange (et gênant, hi hi) flirt d'un soir (pédant et ennuyeux) sont particulièrement stéréotypés et peu originaux. Ils sont tirés d'autant de comédies plus réussies qui avaient au moins l'intérêt d'être inédites.
À tout le moins, Lola Versus parvient à éviter le piège du désintérêt total et est parsemé de répliques efficaces, de petites vérités sur des petits détails de la vie et de moments émouvants et/ou drôles; les gens qui en sont responsables ont apparemment du talent, il est simplement mal exploité. Car pour autant de ces moments, on peut compter une tentative d'humour ratée et un cliché désolant. Ce qui fait qu'une fois qu'on a appris à connaître Lola, on s'en désintéresse vite; avec raison d'ailleurs, tellement la finale moralisatrice est plaquée.
La réalisation de Daryl Wein est sans doute responsable en partie de cet échec; jamais le réalisateur ne parvient à se distinguer de ces - excellents - films américains indépendants qui prennent de plus en plus souvent l'affiche chez nous (50/50, Cyrus, Beginners), d'autant que Gerwig en est souvent la vedette (Damsels in Distress, Greenberg); Wein emprunte leur style, leur mise en scène, et on est constamment en terrain connu.
Lola Versus est davantage une synthèse de ce que l'on sait déjà qu'une proposition nouvelle.