Bertrand Tavernier s'était imprégné avec un relatif succès de l'ambiance louisianaise dans son plus récent film, In the Electric Mist. Il s'intéresse maintenant à une époque plutôt qu'à un lieu, avec La princesse de Montpensier, un film historique campé dans le XVIe siècle de Madame de la Fayette (qui le décrivit au XVIIe) et dans les tribulations amoureuses d'une jeune fille mariée à un homme qu'elle n'aime pas. Quoi qu'il en soit, et quoi qu'on s'intéresse à une autre variable, on est face au même mécanisme : l'imprégnation passe presque exclusivement par les détails visuels, et pas par un véritable esprit de dépaysement - temporel -, ce qui donne une série de petits jugements basés sur « l'exotisme » de la situation : « comme c'est inusité ______________ (cette nuit de noces! de manger avec ses doigts! de croire aux constellations! de se convoquer en duel pour l'honneur!) ». C'est vite lassant.
D'autant que quelques maladresses et une longueur excessive (140 minutes!) viennent diluer le sentiment amoureux qu'on associe habituellement à une grande fresque romantique. Cette passion incontrôlable qu'on essaie d'installer entre certains personnages n'est tout simplement jamais perceptible, pas plus qu'une passion improvisée de quatre hommes différents pour la même jeune fille qui n'est, dans le film du moins, que belle (et riche).
Les premières minutes du film sont les plus baroques : quelques mouvements de caméra d'une grande complexité viennent montrer « l'ampleur » - comme pour détourner le regard d'autre chose - de la reconstitution historique; déjà, le ton est donné. Ce qui compte, c'est la rigueur du travail des décorateurs, costumiers et coiffeurs (pas tellement celui du dialoguiste, dédié à une langue moderne et à des sentiments anachroniques) et pas tellement la force des émotions proposées. Mais c'est une histoire d'amour et de désir, qu'on ne retrouve ni un ni l'autre entre des femmes qui essaient d'être féministes 400 ans trop tôt et un commentaire à peine subtil sur la cruauté et l'imbécilité de la guerre qui passe par une rédemption prévisible et maladroite le jour du massacre de la Saint-Barthélemy.
Le travail d'un groupe de jeunes acteurs prometteurs menés par Mélanie Thierry, Grégoire Leprince-Ringuet et Marc-André Grondin Gaspard Ulliel fait bien autour d'un Lambert Wilson fidèle à lui-même. Soulignons d'ailleurs leur ar-ti-cu-la-ti-on rigoureuse qui rapproche encore plus le film du théâtre. D'autant que cette « ampleur » de la réalisation du début est vite délaissée pour une esthétique plus télévisuelle.
C'est la simplicité de ses ambitions qui fait de La princesse de Montpensier un film mineur, sans grande importance, sinon que l'on remarque le talent de quelques décorateurs de plateau et de concepteurs de costumes. Ils ne reçoivent pas toujours le respect qu'ils méritent, c'est bien vrai, mais quand c'est la seule chose qu'on remarque d'un film, on sait qu'il manque quelque chose. C'est le cas de La princesse de Montpensier. Les émotions y sont en tout temps convenues et attendues, et le regard résolument anachronique posé sur une époque qu'on refuse d'envisager autrement que par sa reconstitution technique (décors et costumes) finissent par ennuyer, tout simplement.