Thierry Lhermitte est un immense acteur. Bien qu'il doive sa popularité à des classiques humoristiques comme Les Bronzés, Le père Noël est une ordure, Le dîner de cons et plus récemment Quai d'Orsay, il ne faudrait surtout pas le limiter à des rôles légers. Il est également excellent lorsque vient le temps de tâter le sérieux, comme ce fut le cas il y a quelques années sur le bouillant Une affaire privée de Guillaume Nicloux.
Il est au sommet de son art et le coeur même de La nouvelle vie de Paul Sneijder, une comédie dramatique qui se déroule à Montréal. En père éploré qui tente de rebondir après la mort violente de sa fille dans un ascenseur, il livre une performance phénoménale. Tout se passe dans ses yeux tristes, ses non-dits et ses silences révélateurs. Il y a une souffrance latente et un désir de reconnecter à l'essentiel au sein même d'une société capitaliste et formatée. L'action se déroule principalement sur L'Île-des-Soeurs et ce n'est pas un hasard. Comme les troublants films de morts-vivants qu'a tournés David Cronenberg à cet endroit il y a de ça quatre décennies, il n'y a probablement aucun lieu qui suscite davantage un sentiment d'isolement. Ce dernier est exacerbé par ce froid ambiant et la neige qui y règne.
Le cinéaste Thomas Vincent qui abandonne finalement le suspense après quelques essais infructueux (Le nouveau protocole était le dernier en liste) a toutefois tendance à souligner un peu trop les troubles psychologiques de son héros à l'aide d'une mise en scène qui fait soudainement de l'esbroufe. C'est notamment le cas lors des retours dans le passé et des cauchemars récurrents. Elle est plus efficace et poétique lorsqu'elle se tient subtilement à côté du protagoniste, utilisant la lenteur et les répétitions pour faire ressentir son mal de vivre et son ennui. En arrosant évidemment le tout de compositions musicales du groupe Timber Timbre.
En adaptant le livre de l'écrivain Jean-Paul Dubois, Vincent et son coscénariste Yaël Cojot-Goldberg arrivent efficacement à naviguer entre humour décalé, absurdité chronique et humeurs moroses sans trop se perdre. S'il n'est pas inédit et que quelques détours s'avèrent plus prévisibles (pensons seulement à la finale), le récit à saveur existentielle et spirituelle tombe à point et il bénéficie de la prestation de solides comédiens québécois comme Pierre Curzi, Guillaume Cyr, Hugo Dubé et Gabriel Sabourin. Un plus grand soin aurait toutefois pu être apporté aux dialogues qui semblent parfois plaqués et trop récités. En épouse égoïste, Géraldine Pailhas est irréprochable, étant sur une bonne lancée après Louis-Ferdinand Céline et Mobile étoile: deux oeuvres inégales où l'interprète brillait allègrement.
Fable douce-amère d'un homme qui part à la recherche de lui-même, La nouvelle vie de Paul Sneijder saura toucher des cordes sensibles. Derrière son discours conventionnel et attendu se cache un hymne à une existence différente et un Thierry Lhermitte parfaitement dans son élément. L'aventure vaut la peine seulement pour lui.