Les longs métrages indépendants québécois apparaissent sporadiquement parmi les sorties hebdomadaires sans que la plupart des spectateurs en soient conscients. N'ayant pas eu accès aux subventions gouvernementales comme certaines autres productions nationales - plus conventionnelles et sécuritaires pour les investisseurs -, ils n'ont ni les moyens financiers pour attirer l'attention des spectateurs, ni (souvent) le propos nonchalant d'une oeuvre grand public. Jaloux, principalement en raison de son processus de création peu orthodoxe (textes improvisés, tournage court, acteurs peu nombreux), fait partie de ces films profonds et intenses qui enflammeront les festivals mais qui, pourtant, passent inaperçus lors de leur sortie en salles.
Thomas emprunte le chalet de son oncle pour la fin de semaine dans l'espoir de donner une dernière chance à son couple qui bat de l'aile ces temps-ci. Arrivés sur place, lui et sa copine, Marianne, rencontrent un homme qui se présente comme étant le voisin. Ils partagent un souper ensemble, boivent et s'amusent. Plus le temps passe, plus le couple a l'impression que cet étranger n'est pas ce qu'il prétend être. Leur voiture en panne et l'absence de ligne téléphonique les forcent à l'immobilisme dans ce chalet loin de la civilisation avec un homme à qui ils ne font pas confiance.
Le long métrage repose presque exclusivement sur la qualité de la réalisation ainsi que sur le jeu humain et sensible des trois acteurs principaux (Maxime Denommée, Sophie Cadieux, Benoît Gouin). Le scénario a été épuré jusqu'à ne garder que l'essentiel de la trame narrative. Les silences sont ici beaucoup plus révélateurs et éloquents que les dialogues qui sont, pour la plupart, vides de sens et d'interprétation. Cette absence de structure actancielle conventionnelle entraîne le spectateur dans un esprit de contemplation, qui ne lui est pas nécessairement familier, mais qui ne peut que lui être salutaire. Il n'est pas nécessaire de surexpliquer des situations ou des idées pour rendre une oeuvre accessible; le sujet a (souvent) une force rassembleuse assez puissante pour combler l'absence de dialogues ou leur infime présence, comme dans le cas présent.
On peut aisément comparer Jaloux à un film noir des années 50 avec son atmosphère hitchcockienne et ses plans langoureux, alors qu'à d'autres moments, grâce à son montage magnifiquement bien exécuté, le suspense peut s'apparenter à l'oeuvre de François Truffaut. Mais ces rapprochements n'amputent guère le film de son caractère singulier et de son esprit expérimental, qui transcende l'écran. Dommage par contre que quelques passages nous apparaissent futiles (la métaphore avec les insectes, qui surgissent épisodiquement à l'écran, est plutôt difficile à cerner - si elle est seulement explicable) et que la longueur excessive de certaines séquences dilue progressivement notre attention.
Ce n'est pas le budget qui fait le film, et encore moins le suspense (parlez-en aux producteurs d'Angle mort). Même avec de bien pauvres moyens, on peut arriver à intriguer le spectateur, à l'émouvoir et à l'amuser. Il faut évidemment des acteurs de talent, une histoire pertinente et un réalisateur persévérant mais tout est possible dans le merveilleux monde des non-subventionnés.
Même avec de bien pauvres moyens, on peut arriver à intriguer le spectateur, à l'émouvoir et à l'amuser. Il faut évidemment des acteurs de talent, une histoire pertinente et un réalisateur persévérant mais tout est possible dans le merveilleux monde des non-subventionnés.
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