Le parcours de Rafaël Ouellet depuis Le cèdre penché est composé de propositions cinématographiques engageantes et stimulantes; son utilisation du langage cinématographique, son regard humain sur des personnages toujours crédibles - nous l'appelions « pudeur curieuse » - font de ses films d'intéressantes observations de société qui ont chaque fois autant à dire qu'à apprendre. Cela fait drôle à dire, qu'une oeuvre puisse « apprendre », mais c'est pourtant vrai : dans le cinéma de Ouellet, on dirait que ce sont les personnages qui dictent l'histoire, et que le réalisateur, par son écoute, se laisse guider; c'est une immense qualité humaine/humaniste qui fait sans doute une partie du charme des films du réalisateur dégelisien.
Cela revient à dire que les personnages que Ouellet crée sont crédibles, et que c'est ce qui rend son cinéma si fin. C'est encore le cas avec Finissant(e)s, mais avec moins d'efficacité, parce que les personnages, esquissés, passent souvent au second plan, derrière une courbe dramatique apparemment manipulée, fabriquée de toutes pièces, par une intervention externe. Et que pour une rare fois chez le cinéaste, c'est apparent.
Étrangement, il y a plus de drame(s) dans ce Finissant(e)s qu'il y en a dans toute la filmographie de Ouellet; ces moments scénarisés, posés, semblent forcés, et brisent en quelque sorte la barrière entre l'observation et l'implication, sans que ce ne soit payant dramatiquement (qu'est-il arrivé à Justine, finalement? Nous n'avons pas absolument besoin de le savoir, mais quel est l'impact de laisser la question sans réponse? Et les autres personnages, eux? D'autant qu'il y a une notion de temps à l'intérieur du film, donc il y a un « après »). Ouellet observe toujours, sans juger, avec son talent d'écoute supérieure, des personnages qu'il respecte et qui se révèlent fascinants - par leur « adolescence », leur confiance face à l'avenir et leur langage coloré que saisit si habilement (depuis toujours) le réalisateur - sans que ce film ait la valeur sociale d'un Camion, d'un Derrière moi.
Le drame était probablement simplement inutile dans ce cas-ci; il n'en vaut pas la peine, vu la diversité et la véracité de ces adolescents au naturel. Il n'est pas assez payant, pas assez signifiant, d'autant qu'étrangement, la musique souligne parfois fortement ce drame, intervenant auprès du spectateur de manière un peu impudique. On n'aurait jamais dit ça des autres films du réalisateur. Comme un portrait d'une jeunesse attendrissante (si jeune! mais pleine de bonne volonté), ce film fonctionne merveilleusement; comme « fiction », un peu moins.
Finissant(e)s cherche longtemps une cohérence et ne la trouve qu'à quelques moments forts, qui sont - sans surprise - les plus simples. Des éclairs de vérité que partagent ces adolescents (des débutant(e)s de la vie) avec le réalisateur, qui lui les transforme en émotions. Au moins, cela ne change pas.