Avec cette sensibilité particulière - une pudeur curieuse, pourrait-on dire - qui avait fait le charme de Le cèdre penché, Rafaël Ouellet aborde dans un deuxième long métrage plus accompli, une amitié forte teintée de désir entre deux femmes qui aura de graves conséquences. Au cinéma, il y a deux types de « clinquant » : celui des effets spéciaux superflus et celui, plus pernicieux et plus fréquent, des émotions forcées. Ouellet les évite tous les deux, préférant donner dans la simplicité, la cruauté même, d'une histoire belle et triste, tragique et libératrice à la fois. La finale, qui est d'une intransigeance barbare, n'est pas tellement surprenante mais elle est tout de même réussie parce que le travail, depuis le début du film, était consciencieux.
Betty quitte Montréal en direction du Bas-Saint-Laurent. C'est l'été et elle cherche à s'amuser un peu avec les adolescents du coin. Elle fait la rencontre de Léa, jeune fille timide et encore pucelle qui travaille dans un casse-croûte et qui est immédiatement attirée par Betty et son attitude dégourdie. Les deux jeunes filles développent rapidement une belle complicité, s'échangeant conseils et impressions au fil des jours qui passent. Puis, Betty propose à Léa d'aller faire une petite virée en voiture à Montréal.
Le stratagème de Betty, franchement machiavélique, est installé par un scénario crédible qui évite les raccourcis et de nombreux pièges. Peu d'invraisemblances au fil du récit, qui s'effeuille lentement en maintenant un haut niveau d'un étrange mystère. La finale n'est pas tellement surprenante, pourtant, les derniers instants du film frappent et choquent comme c'est rarement le cas. Bien sûr, l'humilité et le respect avec lequel on a traité le spectateur depuis le début du film y sont certainement pour quelque chose, mais on pourrait presque parler d'un mécanisme de protection pour qui, pour peu qu'il soit légèrement perspicace, aura deviné les sombres intentions de Betty. Impossible d'admettre ce qu'on sait inévitable jusqu'à ce que l'évidence frappe, nous faisant haïr la naïveté et l'insouciance de la jeunesse. Dire qu'on espère encore une intervention divine ou Superman pour empêcher le drame.
Comme il l'avait fait dans Le cèdre penché, Ouellet dirige bien ses deux jeunes comédiennes. Carina Caputo, dans le rôle de Betty, et Charlotte Legault, dans celui de Léa, sont d'un naturel désarmant et nécessaire au bon déroulement du récit. Le film n'est pas un documentaire, et cela importe peu qu'il soit basé ou non sur une rigoureuse recherche; il semble vrai, c'est tout ce qui importe. Les deux actrices y sont pour beaucoup, entre autres à cause de leur niveau de langage qui est, dit sans condescendance, cohérent avec leur personnage.
Plus que jamais, Rafaël Ouellet est un réalisateur à surveiller. Le cèdre penché était un fort joli film, très prometteur. Derrière moi est un film réussi, qui laisse présager de belles choses pour un jeune réalisateur qui semble avoir une quête cinématographique, pas une cause. Il lui reste encore un chef d'oeuvre à faire.
Plus que jamais, Rafaël Ouellet est un réalisateur à surveiller. Le cèdre penché était un fort joli film, très prometteur. Derrière moi est un film réussi, qui laisser présager de belles choses pour un jeune réalisateur qui semble avoir une quête cinématographique, pas une cause. Il lui reste encore un chef d'?uvre à faire.
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