Il est plutôt rare que l'on exploite un sujet aussi sérieux et lourd de conséquences que les guerres de religion d'une manière aussi désinvolte et espiègle. Mais pourquoi pas? Pourquoi ne pas en rire plutôt qu'en pleurer? 50/50 s'est moqué du cancer, Intouchables de la quadriplégie, alors pourquoi les artistes du Moyen-Orient, bombardés quotidiennement par des croyants enragés, ne pourraient-ils pas passer leur message sous le couvert de l'humour? C'est du moins ce que Nadine Labaki a tenté de faire dans ce petit film arabe qui mélange allégrement drame et comédie, débat social, politique et humain avec divertissement. Par contre - et malheureusement -, le film, inspiré et inédit, promet plus d'emblée qu'il ne nous lègue au final...
Et maintenant on va où? dédramatise, d'une certaine façon, les guerres de religion en dépeignant l'histoire d'un groupe de femmes - chrétiennes et musulmanes - qui inventent un stratagème pour que les hommes de leur village (qui abrite autant de chrétiens que de musulmans) cessent de se quereller pour des questions de croyances. Malheureusement, le mélange entre drame et comédie n'est pas suffisamment homogène pour qu'on sente une uniformité cohérente au sein de l'oeuvre. On passe de prostituées et de gâteaux au haschisch à la mort d'un enfant sous les coups de fusil et la violence d'un fils envers sa mère. L'hybridation des genres n'est pas non plus tout à fait contrôlée. Parfois à l'image d'une comédie musicale bollywoodienne, parfois semblable à un drame de moeurs ou un drame religieux, le long métrage de Nadine Labaki perd de temps à autre son public, victime des changements de cap agressifs du film (une sérénade peut rapidement devenir une violente altercation théologique).
L'introduction, qui nous présente un groupe de femmes vêtues de noir se déplaçant en synchronicité jusqu'au cimetière, promet pourtant beaucoup grâce à ses tendances ludiques dans son décor épuré. Par contre, dès les minutes suivantes, on nous plonge dans l'histoire principale qui laisse peu de place à l'excentricité maîtrisée du début. Le long métrage ne renferme que trois ou quatre passages chantés - qui nous apparaissent, en raison de leur rareté, plutôt incongrus qu'inventifs - et ne nous laissent jamais vraiment le temps d'accuser l'émotion qu'il souhaite transmettre (que ce soit la tristesse ou la joie). On a aussi tenté d'introduire au portrait de ces femmes courageuses et déterminées une histoire d'amour entre les camps ennemis. Mais jamais ce béguin ne devient suffisamment important pour qu'on y porte un minimum d'attention. Retirer cette idylle aurait été plus bénéfique à l'ensemble que de la présenter ainsi, partiellement.
Malgré ses quelques accrocs et ses bonnes intentions pas toujours satisfaites, Et maintenant on va où? réussit à débattre d'un sujet sévère en prenant les allures d'une comédie légère. Le film parvient à décrocher quelques sourires et parvient à dédramatiser le culte religieux et la dévotion à un être suprême unique. Le long métrage réussit aussi à nous faire comprendre que l'Homme est plus important que le croyant et que certain(e)s sont prêt(e)s à tout délaisser, même leurs textes sacrés, pour la paix. Une leçon fort inspirante, même pour un peuple d’athées comme le nôtre.