Il n'y a pas d'équivoque, American Hustle est un des films américains les plus intrigants de l'année. Chaque nouveau film de David O. Russell attire l'attention parce que ce dernier s'est forgé une solide réputation et que ses propositions cinématographiques contribuent à rendre le corpus étatsunien plus crédible et intéressant sur la scène cinématographique mondiale (on parle bien sûr de ce cinéma américain qui existe en marge des blockbusters hollywoodiens). Ce qui ne l'empêche pas de prêcher par quelques excès...
Si, dans Silver Linings Playbook, on félicitait le réalisateur de ne pas voler la vedette aux interprètes avec une réalisation ostentatoire, on ne peut en dire autant de American Hustle. Ce serait même plutôt le contraire, vu la multiplication des effets de style qui s'ajoutent au travail ostentatoire (lui aussi) de direction artistique dans le long métrage; des coiffures, des costumes, des zooms, une narration omniprésente qui viennent en fait tenter de faire oublier les longueurs parfois accablantes du film, en plus de laisser le jeu dans une sorte d'incertitude...
La marque du réalisateur est bien présente sur ce film ambitieux, ce qui l'éloigne parfois un peu de ce qui fait pourtant sa force : sa simplicité. La force de ces personnages, c'est leur vulnérabilité (pour les hommes, ça passe par les cheveux). C'est dans ces moments que leur humanité ressort, ce qui crée toutes sortes de conflits moraux qui sont palpitants à suivre. Ce n'est pas la fraude, ou le piège tendu par les autorités à ces policitiens corrompus, qui sont le moteur du récit, ce sont les personnages, incarnés par cinq acteurs de grand talent. Sauf qu'ils ont tous déjà été plus impressionnants ailleurs...
Oui, ce sont tous des acteurs reconnus qui proposent des personnages crédibles (incluant un caméo très amusant d'un habitué de la mafia), mais ils n'ont pas à porter le film sur leurs épaules parce que le récit est exagérément compliqué et que la reconstitution historique est imposante, voire inévitable. Toutes ces paillettes et diversions diluent un peu leur impact sur le récit.
Comme c'était le cas avec The Fighter (qui était, tout de même, un très bon film), la signature du réalisateur prend ici trop de place par rapport à l'histoire. Cela cache quelque chose; pragmatiquement, tous ces effets de style servent à nous faire oublier les quelques longueurs du film, ainsi que sa finale moralement insignifiante. Car si American Hustle est intéressant parce qu'il est ambitieux, il a de l'impact émotif lorsqu'il est humain et vrai, ce qui est plutôt rare, surtout lors du dénouement. On est donc mené par ce récit avec un dynamisme certain, mais on en garde peu une fois le long métrage terminé.
Tout de même, American Hustle est un film tout à fait crédible. Souvent efficace et même très drôle, il a apparemment été fabriqué par des artisans extrêmement talentueux et compétents qui connaissent bien leur métier, et qui savent faire du cinéma. Le résultat est divertissant, David O. Russell et ses comédiens remplissent leurs promesses, mais c'est tout...