Dans le cadre de leur tournée québécoise, nous avons rencontré le réalisateur de Les maîtres du suspense Stéphane Lapointe ainsi que les comédiens Michel Côté et Antoine Bertrand pour discuter de leur expérience de tournage et de leurs impressions du film.
Stéphane Lapointe, qui nous a donné La vie secrète des gens heureux en 2006, a pris plusieurs années pour écrire le scénario et livrer un résultat à la hauteur de ses attentes. « Ça été assez magique l'écriture de ce scénario-là, même si ça été assez long. Je voulais vraiment que le scénario soit bien écrit, bien construit, je voulais que la psychologie des personnages soit rigoureuse, même s'il y avait des situations un peu absurdes, je voulais vraiment que ce soit humain et fort et que ce soit plausible. Ça me tape un peu les comédies qui ne se prennent pas au sérieux, ou celles qui ne se mettent pas en danger sous prétexte que c'est léger. Pour moi, ma vision de la comédie c'est vraiment l'inverse. Il faut se mettre en danger, plus que tu es vulnérable, plus que ça va être touchant et plus que tu vas nous faire rire après. »
« Je cherchais aussi à parachuter mes personnages au bout du monde, dans les situations les plus heavys. J'avais en tête les films de Pierre Richard et Gérard Depardieu dans le désert. Et je cherchais un endroit et je ne voulais pas que ça parle en anglais. C'est le fait français qui m'a d'abord attiré en Louisiane puis après ça j'ai vu toutes les possibilités qu'il y avait là-bas : le jazz, le vaudou, qui était parfait pour un polar. »
Le film de Stéphane Lapointe est décrit comme une comédie, mais on réalise bien vite qu'il est plus que cela. « J'ai de la difficulté à mettre une étiquette. C'est comme le jazz ou le rock, la comédie c'est quand même assez large, il va y avoir Harold et Maude, The Graduate autant que Ace Ventura... Je voulais vraiment y aller plus dans une histoire classique, forte, l'important pour moi c'était que les gens soient captivés par l'histoire, que le côté suspense fonctionne et qu'on ait envie de savoir ce qui va se passer. Je ne voulais pas avoir le plus grand nombre de rires à la minute. Évidemment quand le rire arrive, c'est l'fun, mais je ne voulais pas que ce soit uniquement le rire qui drive le film. »
Michel Côté, Robin Aubert et Antoine Bertrand incarnent les trois protagonistes de l'histoire. « Robin est arrivé en premier. Je l'ai rencontré sur Tout sur moi. Antoine, je trouvais qu'il avait la force nécessaire pour jouer Quentin. C'était facile de tomber dans le cabotinage avec ce personnage-là, mais avec son humanité, ça fonctionne bien. L'inspiration vient un peu de Jacques Villeret (Le dîner de cons); un espèce de naïf au grand coeur. Puis Michel c'est un monstre de charisme, et j'avais besoin de ça pour faire passer un personnage antipathique et tricheur comme Hubert Wolfe. »
Michel Côté raconte son arrivée dans le projet : « Pierre Even m'a appelé. Il disait que ce n'était pas vraiment LE premier rôle, qu'il y avait trois premiers rôles, mais, pour moi, trois premiers rôles quand c'est avec des acteurs comme Robin et Antoine, des acteurs que je considère complètement égaux sinon supérieurs à moi, je n'ai aucun problème avec ça! Et ce qui compte vraiment c'est la pertinence du texte. J'ai rencontré Stéphane qui était tellement souriant et sympathique. C'est vraiment très important pour moi d'être heureux sur un plateau. Je ne veux pas travailler avec un chiant, ça ne m'est jamais arrivé et je ne veux pas que ça m'arrive non plus. Je n'ai jamais vu Stéphane se fâcher une fois pendant le tournage, il est vraiment très sympathique, allumé, ouvert aux idées. Le scénario me plaisait aussi. Je trouvais que c'était original, d'abord c'était dans le monde de la littérature et on ne parle pas de ça souvent, et mon personnage avait quelque chose d'intéressant à défendre. »
L'harmonie qui règne entre les trois acteurs principaux transparaît à l'écran, et c'est ce qui fait d'ailleurs l'une des forces du film. « Michel, Robin et moi, on est trois gars ben terre-à-terre », explique Antoine Bertrand. « C'est important pour le trio que la mayonnaise pogne parce que ce sont des personnages très différents et il faut qu'il y ait quelque chose qui les unit pour qu'on croie que ces trois-là après le film iront prendre une bière et deviendront des amis. »
Le film met aussi en vedette Maria de Medeiros, l'interprète de Fabienne dans Pulp Fiction. « J'étais allé la voir jouer au théâtre à Montréal, et je me suis mis à fantasmer à écrire un rôle pour elle et j'ai pensé à un personnage qui s'appellerait Maria d'ailleurs. Trois ans et demi après, on lui a envoyé le scénario et après 48 heures elle disait oui. C'était surréaliste », précise Lapointe.
En plus de ces grandes vedettes, québécoises et internationales, Les maîtres du suspense met aussi en scène des enfants. « J'avoue que j'appréhendais un peu ça le fait de travailler avec des enfants », raconte Antoine Bertrand. « Ce sont des scènes importantes dans le film et ce sont de belles scènes. Évidemment, je me disais, il faut le tourner intelligemment parce qu'après quelques heures les enfants ont envie de passer à autre chose et je les comprends. On a bien travaillé. On a commencé sur eux et moi hors caméra je les faisais répéter. Stéphane et moi on leur faisait dire la même phrase quelques fois avec différentes intonations. J'ai appris de mes erreurs, dans Starbuck je voulais être leur ami puis quand c'était l'heure de travailler, ils ne m'écoutaient plus. Donc là avec les enfants des maîtres du suspense, je gardais une distance. Je voulais qu'ils m'aiment, mais je voulais aussi qu'ils aient peur un peu. Je suis vraiment content du résultat, les scènes marchent. Elles sont drôles et efficaces. »
Les maîtres du suspense prend l'affiche sur 62 écrans à travers le Québec dès mercredi.