Pour son premier long métrage, la réalisatrice française Sophie Lellouche a réuni Alice Taglioni et Patrick Bruel dans une comédie romantique inspirée de sa passion pour Woody Allen, qui interprète d'ailleurs son propre rôle dans une courte scène du film. Sorti l'été dernier en France, Paris-Manhattan a récolté 222 000 entrées dans l'Hexagone.
« Je me suis aperçue que, à chaque fois que je sortais d'un film de Woody Allen, j'étais anéantie, nous dit d'abord la réalisatrice. Je me disais : c'est pas possible, je ne ferai jamais de film, je n'arriverai jamais à ce niveau... Un jour, je me suis dit : et si ce modèle écrasant faisait partie de l'histoire même du film? C'est comme ça que j'ai trouvé le thème de mon film, celui d'un personnage féminin qui serait écrasé par ses modèles. »
Woody Allen aborde souvent la question de l'amour, enfin, du couple, dans ses films. « C'est un film qui est personnel, je me suis éloignée de son univers. Mais les thèmes de Woody Allen qui me touchent particulièrement, c'est la magie, la poésie, l'intégrité et des personnages inadaptés à la société. »
« Pour vivre une véritable histoire d'amour, il faut se libérer des codes romantiques. Sinon, on est dans une reproduction, et cette reproduction ne nous appartient pas. On offre des fleurs, on va à Venise... Ça, on connaît. C'est pour ça que j'en fais juste un clip; en une minute, c'est balayé, parce que dans l'imaginaire du spectateur, on sait ce que c'est. Alors que la véritable histoire d'amour, c'est celle qui s'inscrit dans aucun modèle. Et c'est un peu le thème de la création aussi; il faut absorber ses références mais qu'au final le résultat vous appartienne. »
Comment avez-vous choisi vos comédiens? « Je voulais une fraîcheur; je voulais que les deux personnages, tout en étant opposés, soient tous les deux d'une grande authenticité, chacun à leur manière. Ce qui m'intéressait, c'était de faire des personnages uniques, c'est ce qui les rend un peu farfelus et attachants. Il y avait un rapport au jeu, à l'innocence, il n'y a aucun code pour eux, c'est un peu comme des enfants. Ils se répondent du tac au tac, ils s'embarquent dans des aventures rocambolesques... Ils se sont amusés à faire ça. »
Alice Taglioni, qui incarne Alice, une pharmacienne parisienne, ne s'est pas inquiétée que la réalisatrice en soit à son premier film. « Elle avait très envie qu'on travaille ensemble; et ça c'est la grande qualité de Sophie Lellouche : elle communique son enthousiasme, sa volonté de faire les choses, et elle m'a donné envie d'aller avec elle sur ce film. Je n'ai pas eu peur du premier film, pas eu peur qu'elle ne sache pas si prendre, elle était passionnée par son sujet. Le personnage que j'interprète s'approche beaucoup de Sophie. »
« En fait, ce qui se passe dans la vie d'Alice, c'est qu'elle est en train de grandir, de passer de jeune fille à jeune femme. D'arrêter de vivre dans ses rêves, pour accepter de vivre dans la réalité. Ce sont deux personnages totalement opposés : il y en a un qui a dû se prendre plusieurs coups difficiles et qui est devenu assez cynique, pessimiste, et une autre qui est encore très naïve, qui est dans son cocon entourée de coton. Dès qu'il y a une petite faille, elle est complètement déphasée, elle ne comprend pas, on ne lui avait pas dit que c'était ça la vie. »
« Bon, c'est mignon, mais à 30 ans passés, c'est bien de commencer à accepter d'ouvrir les yeux et de voir la vie en face. »
Patrick Bruel, le célèbre chanteur, a maintenant beaucoup d'expérience comme acteur, et sans doute beaucoup d'offres. Comment choisissez-vous vos projets? « C'est beaucoup d'instinct, c'est le coup de coeur, soit pour un scénario qui est imparable, qui est magnifique qu'on ne peut pas laisser passer, soit comme c'est le cas avec Paris-Manhattan, l'enthousiasme généralisé autour du projet, l'envie de la metteure en scène de travailler avec moi, le plaisir de rencontrer Alice Taglioni, la cerise sur le gâteau de rencontrer Woody Allen, partir dans un film où je ne comprenais pas nécessairement tous les tenants et les aboutissants, ça m'a amusé de faire partie de ce truc. »
C'est une comédie romantique qui raconte « l'autre » histoire d'amour. « C'est exactement ça. On est dans l'amour politiquement pas correct, dans l'anti-héros. Ce type, il est ce qu'il est, ce n'est pas un mec qui a beaucoup de charme, mais il voit cette fille, qui a quelque chose, et il la voit paumée dans cette espèce de fantasme et il lui dit, contrairement à dans La rose pourpre du Caire, où l'acteur dit à la fille : « Viens sur l'écran, viens partager la vie dans l'écran », alors que Victor, il dit à Alice : « Allez, descends de l'écran, reviens dans la réalité. La réalité elle est là, avec moi ou pas, mais elle est là. » J'ai aimé ça. »
C'est une comédie, est-ce qu'on peut s'amuser en le faisant? « Il faut travailler, il faut être précis, bien sûr, on fait rire et on s'amuse en le faisant, mais c'est très précis la comédie. »
Avez-vous senti que la réalisatrice en était à son premier film? « Oui, bien sûr. C'était un vrai premier film. Elle avait quelques maladresses, le film a sûrement quelques maladresses aussi... mais ce qui compte c'est le charme. C'est comment vous vous sentez en sortant de la salle. »
Paris-Manhattan, qui est distribué par AZ Films, prend l'affiche demain à Montréal, Sherbrooke et Gatineau, et la semaine prochaine à Québec.