L'acteur, scénariste et maintenant réalisateur Pascal Elbé présente son premier long métrage Tête de Truc, ce vendredi. Le film, qui raconte l'histoire d'un jeune garçon qui tente de survivre dans la banlieue française en s'intégrant aux délinquants a soulevé beaucoup de questionnements et a généré un débat intéressant partout où il a été présenté. En plus d'Elbé, qui incarne l'un des protagonistes du long métrage, Tête de Turc met en vedette Samir Makhlouf, Roschdy Zem, Ronit Elkabetz, Léo Elbé et Omar Ait-Raiss.
En rencontre avec les médias québécois, le réalisateur s'est exprimé sur ses intentions, davantage artistiques que politiques. « Je n'avais pas envie de faire un film politique sur la banlieue. C'est un film qui se passe en banlieue, mais, avant tout, c'est un objet de cinéma. Évidemment, c'est un sujet qui est d'actualité et qui, malheureusement, le sera toujours. En France, présentement, il y a une vraie fracture, une rupture sociale. Pour un cinéaste c'est, par contre, un vrai terrain de jeu parce que ce qui se passe en banlieue, c'est un peu une vitrine exacerbée de ce qui se passe dans la société. »
Pascal Elbé n'a pas la prétention que son film puisse amener une réponse aux problèmes sociaux. « Il n'y a qu'un moment dans le film où l'auteur s'adresse au public; la scène où moi et Roschdy Zem on parle de la banlieue dans la voiture. Dans cette scène, les personnages se demandent quoi faire face à la délinquance des jeunes dans les Cités : « On va pas les noyer, mais on ne peut pas les laisser faire non plus », disent-ils, et c'est un peu mon opnion. Je suis entre les deux extrêmes. »
Pourquoi avoir décidé d'exploiter le sujet des banlieues pour votre premier film? « Je suis un père de famille nombreuse, je suis l'actualité et j'avais envie de faire un film qui parle de responsabilités. Il y a aussi qu'en France souvent, on fait soit un film communautaire, un film d'auteur qui fait réfléchir ou un film comique qui sera efficace, on n'a pas cet entre-deux, et j'avais envie de faire ça. »
« Le jeune qui incarne le héros dans le film, Samir, il n'avait jamais joué devant la caméra et même jamais été dans le monde du travail avec des adultes et des chèques de paye. Tout ça était nouveau pour lui. D'ailleurs, la plupart des jeunes qui jouent dans le film viennent des Cités, c'était une expérience qu'on a partagée tous ensemble, c'était vraiment une aventure. »
La production a bénéficié d'un budget de 2 millions et demi d'euros, ce qui est très peu pour un film français, et a dû tourner toutes les scènes en moins de six semaines. « Juste avant de commencer mon tournage, j'ai dû aller avertir les flics de ne pas arrêter de jeunes pendant que je filmais. Ils ont accepté à condition qu'ils ne dealent que des drogues douces, comme d'habitude. Alors, j'ai dû aller rencontrer le chef du quartier, et il se trouve que le chef, je n'ai pas eu de difficulté à le trouver. Lorsque je suis sorti de ma voiture le premier jour de repérage, il y a un type qui m'est tombé dessus tout de suite et il m'a dit : « C'est moi le caïd, c'est donc moi qu'il faut que tu paies si tu veux la sécurité ». Mais là, il fallait s'assurer que c'est vraiment lui, parce que si on paie le fou, c'est encore pire. »
« J'ai eu, malgré tout, quelques problèmes. Pendant la nuit, une fois, j'ai été braqué; on m'a volé un camion entier avec une caméra. Avec un budget si mince, je ne pouvais pas poursuivre le tournage sans ces accessoires. J'avais alors deux options : soit j'appelle les flics pour faire jouer l'assurance ou j'attends 14h que le caïd se lève pour qu'il m'indique où est mon camion. J'ai choisi la deuxième option et 48 heures plus tard sur le parking d'une école un dimanche matin, moyennant un chèque de 10 000 euros, j'ai retrouvé mon matériel. Le lundi matin l'équipe est arrivée et n'a jamais rien su. »
« C'est vraiment un sujet universel que la pauvreté dans les banlieues et la délinquance, les Américains se sont d'ailleurs procuré les droits du film. Ils devraintt bientôt faire un remake du film. »
Tête de Turc sera à l'affiche dès demain dans les cinémas Beaubien, Le Clap, Cineplex Boucherville, Maison du cinéma et Cineplex Quartier Latin.