Le deuxième long métrage de la dessinatrice Marjane Strapi, Poulet aux prunes - réalisé en collaboration avec Vincent Paronnaud - prend l'affiche au Québec ce vendredi, cinq ans après Persepolis.
La réalisatrice, qui a débuté dans les arts plastiques, parle avec passion du septième art. « J'aime un certain type de cinéma où on ouvre une porte et on dit : voilà le monde de quelqu'un. Et soit on l'accepte, soit on ne l'accepte pas. Mais sinon on le refuse, l'histoire ne fonctionnera pas pour vous. Si vous l'acceptez, vous entrez dans l'histoire, vous savez que tout est faux, et quand tout est faux tout devient... vrai. »
Poulet aux prunes est un film visuellement riche. « C'est un film où il n'y a pas de héros; Nasser-Ali, au début, ne nous est pas très sympathique et à la fin non plus. Il n'aime pas ses enfants au début pas plus qu'à la fin. Tous les personnages ont un moment où ils sont gentils et un autre où ils sont méchants. Dans la vraie vie, c'est comme ça. C'est l'histoire d'un homme qui est déprimé et qui choisit de mourir. Il n'y a rien de plus ennuyant dans la vie que quelqu'un qui est déprimé, le défi étant de rendre cet homme déprimé intéressant. Comment faire un film de 90 minutes sur un homme qui veut mourir et le rendre amusant, extravagant, etc.? »
Les personnages ne sont ni noirs, ni blancs. « C'est ce que j'aime. Quand je décris l'être humain, je ne peux jamais véritablement être fâchée envers quelqu'un, parce que je l'imagine à 4 ans, jouant avec un ballon. Et je me demande : que s'est-il passé? Que s'est-il passé pour qu'il devienne comme ça? Tout le monde est mignon à 4 ans. »
L'histoire est racontée par l'Ange de la mort, Azrael. « C'est devenu un choix évident. On cherchait une voix pour incarner le narrateur de l'histoire, et Edouard Baer a cette magnifique voix, nonchalante et suave et en même temps très littéraire. Et puis on dirait qu'il fait toujours des blagues... C'est comme ça que je voyais l'Ange de la mort. J'espère que quand je vais rencontrer l'Ange de la mort il ressemble à Édouard Baer et que je pourrai avoir une conversation avec lui. »
Vous dirigez aussi Mathieu Amalric, Maria de Medeiros, Golshifteh Farahani et Jamel Debbouze... « Diriger des acteurs n'est pas très compliqué; si vous savez ce que vous voulez, et si vous le mettez en mots et si vous avez de bons acteurs, alors c'est facile. Quand je pense à mes personnages, je les joue beaucoup pour moi-même devant le miroir, alors je sais ce que je veux. Et je parle beaucoup... Et puis j'avais de grands acteurs. »
Était-ce logique de réaliser le film en action réelle? « Oui, pour moi l'animation n'est pas un genre cinématographique. Je l'ai fait pour Persepolis parce que c'était nécessaire, parce que si je montrais un certain pays, certains êtres humains, les gens auraient cru à l'histoire d'un certain pays, de certaines personnes, alors que je crois que c'est une histoire plus grande que l'individu. Je voulais faire une histoire universelle et l'abstraction du dessin fait en sorte que tout le monde peut s'identifier à l'histoire. »
« Pour Poulet aux prunes; c'est une histoire d'amour, par définition elle est universelle. Je voulais que l'histoire ait l'air d'un conte de fées, donc nous avons tourné en studio. Chaque histoire a besoin de son propre traitement. »
« Quand j'ai fait Persepolis, je ne me suis pas dit que j'étais la Myazaki de l'Europe, que j'avais trouvé le style parfait et que j'allais faire dix films comme ça. Pour moi, c'était un essai, ce film est un autre essai et le prochain serait un autre essai. »
Allez-vous faire d'autres bandes dessinées? « J'ai travaillé si longtemps toute seule à ma table de travail. Il y a des bons côtés, parce que personne ne me contredit. Je peux choisir le meilleur papier, la meilleure encre, je travaille à mon rythme. Si je veux 50 hélicoptères, je les dessine; si je veux des tanks, je les dessine... Alors, pourquoi faire du cinéma? C'est une bonne question. Je suis une enfant unique, et d'être entourée par tous ces gens, il y a une énergie qui me transporte. On vit trois ans en quatre mois. Le cinéma est un peu comme une drogue dure : il y a des moments où on est très high, des moments où on est très down et on veut tout arrêter, et quand tout est terminé on se dit que c'était bien et on recommence. J'aime travailler avec des gens. »
Poulet aux prunes prend l'affiche à Montréal, Boucherville, Québec, Gatineau et Sherbrooke aujourd'hui.