La comédie dramatique La passion d'Augustine de Léa Pool prend l'affiche sur 35 écrans à travers le Québec dès aujourd'hui. Nous avons récemment rencontré la réalisatrice, qui nous a parlé de son expérience de tournage et de sa vision de ces femmes qui vivaient sous le joug de la religion catholique.
« Quand Marie Viens est venue me chercher, ça faisait déjà deux ou trois ans qu'elle bûchait sur le projet. Elle est venue me voir une première fois, mais j'étais en train de travailler sur le ruban rose, donc j'avais peu de disponibilités. Elle est revenue me le reproposer 6 mois plus tard. Au début, j'ai un peu hésité parce que moi je n'étais pas au Québec à cette époque-là et je ne suis pas catholique. Je me disais qu'il y avait peut-être quelqu'un qui serait plus apte que moi à travailler sur le projet, mais elle voulait que ce soit moi qui le réalise. »
« Il faut dire qu'il y avait quand même beaucoup de choses dans sa proposition qui m'intéressaient; d'abord une période de l'histoire que j'avais vécue par la bande puisque quand je suis arrivée au Québec en 1975, j'étudiais à l'UQAM en communication et je trouvais que le Québec était très très libre. C'est plus tard que j'ai appris que vous veniez tout juste de sortir de la grande noirceur. J'ai trouvé que c'était un incroyable bond en avant en si peu de temps. Quand Marie est arrivée avec ce projet, j'ai constaté qu'effectivement, il n'y avait pas beaucoup de choses qui avaient été faites sur cette période charnière où le ministère de l'Éducation est entré en poste et que les écoles sont devenues publiques et laïques. Je trouvais aussi qu'aujourd'hui, avec ce qu'on vit avec la charte des droits et libertés, elle avait tiré dans le mille avec sa proposition. »
Vous avez une équipe de fidèles collaborateurs qui vous entourent, qui ont vécu ou qui connaissent cette époque, et sur qui vous pouvez vous appuyer. « Oui, en fait, être cinéaste, c'est s'entourer. On n’est rien en tant que cinéaste sans une équipe. François Dompierre a été là pour tout l'aspect musical, tout comme le conservatoire de musique de Montréal qui nous a aidés de façon extraordinaire. Patrice Bingel, à la direction artistique, avec qui j'avais travaillé sur Maman est chez le coiffeur, que j'aime beaucoup. »
En ce qui concerne les jeunes actrices, vous avez fait des auditions? « J'avais fait beaucoup d'auditions pour des jeunes comédiennes, il y en avait des bonnes, mais aucune qui me faisait croire que j'avais trouvé mon Alice. Je me suis alors dit que ce serait extraordinaire de dénicher une musicienne qui pourrait aussi jouer. Avoir une musicienne me permettait d'avoir une liberté au niveau de la caméra, parce que sinon il faut tricher chaque plan. On a donc commencé à regarder dans les conservatoires de musique et Lysandre est apparue. Elle n'avait aucune expérience au niveau du jeu, mais je voyais sa fragilité, sa sensibilité et évidemment sa discipline parce que pour être pianiste du niveau où elle est rendue, il faut avoir une sacrée discipline. Même chose pour Elizabeth qui joue la jeune fille qui bégaye. J'avais déjà l'idée du Tony Rossi, je voulais que ce soit la jeune qui le chante, donc j'ai auditionné un peu à travers cette chanson, parce que le bégaiement, je savais qu'il y avait des techniques pour l'amener. Dès qu'elle a chanté, j'ai su que c'était elle. Elle m'a vraiment touchée. »
Ce film en est un assez différent de ceux, plus intimistes que vous faites généralement. « Pour moi, ç’a été plus de travail que pour un autre film, parce que c'était effectivement plus gros que ce que je fais d'habitude. J'avais un gros cartable avec plein de découpages techniques, de positions, mais reste que j'ai eu beaucoup de plaisir à le faire. »
« Quand je disais aux gens que je faisais un film sur les religieuses, ils me jugeaient un peu. Je devais toujours me justifier. Je comprends qu'il ait fallu se délivrer de la religion, ça a plongé le Québec dans la modernité, mais on a tellement rapidement rejeté l'histoire de ces femmes-là. De nos jours, on parle de la Burka et du Chador, je crois que ces femmes doivent passer par le même chemin que les religieuses, mais il ne faut pas oublier ce que les femmes portent, ce qu'elles cachent sous leur voile. »
« Une scène qui a été particulièrement difficile à faire, c'est celle du dévoilement. Parce qu'au début, on se disait que nous allions faire une scène assez graphique, esthétique, un morceau de linge qui tombe, mais on a tourné ça vers la fin et toutes les comédiennes habitaient déjà leurs costumes et la vie de ces femmes-là. Je leur ai demandé qu'elle se dévoile avec les émotions qu'elles croyaient appropriées à leur personnage à ce moment-là. Pour certaines, c'était une libération, pour d'autres c'était une douleur. »
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