Au Québec, un comédien francophone jouant en anglais dans un film canadien se double habituellement lui-même dans la version française. Cela créé souvent un inconfort qui, historiquement, a coûté cher à certains de ces films. Le fait que le mouvement des lèvres ne suive pas ce qui est dit énerve au plus haut point et fait décrocher le spectateur. Pour qu'un film réussisse au box-office, il lui faut impérativement se démarquer à l'extérieur de Montréal, dans les milieux unilingues francophones. Par contre, on a donné à consommer aux régions certains titres tournés en anglais à Montréal et dont le doublage était plus que moyen, compromettant grandement le rendement de ces derniers. Plusieurs productions québécoises, tournées entièrement ou en partie en anglais, ont subi l'infamante étape du doublage. Et le mariage entre l'image et le son n'a pas souvent été heureux...
Ce fut le cas de The Trotsky l'an dernier qui, malgré un beau parcours dans les communautés anglophones et bilingues (en version originale), n'a pas été présenté avec le même succès partout au Québec. Parions que ce sera le cas également pour Good Neighbours et sa version française Notre-Dame-de-Grâce, produit par la même équipe.
Souvenons-nous aussi de Mambo Italiano. Ce film, bénéficiant d'une impressionnante distribution, a connu une grande popularité grâce à une sortie étendue, et ce, malgré un doublage que le public n'a pas apprécié. Le succès au box-office a probablement incité les producteurs à retenter l'expérience d'un tournage en anglais avec des comédiens francophones. Cette fois cependant, le public n'a pas été dupe. Surviving My Mother a connu un échec cuisant au guichet. Le film mettait en vedette Véronique LeFlaguais, Caroline Dhavernas et Christian Bégin, et le doublage par les comédiens originaux (dévoilé dans la bande-annonce lors de la promotion), a rappelé l'expérience de Mambo Italiano. Loin d'aider le film en région, a plutôt saboté ses chances de rejoindre son public.
Un autre exemple plus récent est celui de Funkytown, qui a pris l'affiche cette année. L'excellent drame de Daniel Roby, bien que très montréalais dans sa thématique, aurait facilement pu plaire au public du reste du Québec, n'eut été à voir (entendre) le doublage étrangement hybride combinant sous-titres et doublage quasi-aléatoire. On n'a pas fait confiance au public et on n'a pas cru qu'il pourrait se contenter de quelques sous-titres pour apprécier le jeu des acteurs anglophones. Pire, on a même commis un péché mortel en demandant aux acteurs québécois qui parlaient parfois anglais dans le film de se doubler eux-mêmes dans certaines scènes (Patrick Huard, entre autres) - pas toutes - et qui semblaient choisies arbitrairement. Comme le doublage n'était pas systématique, dû à la nature bilingue de certains personnages, le film donnait l'impression d'être inégal. Étrangement, le public a quand même reproché au film de contenir trop de scènes en anglais.
Pourtant, Bon Cop, Bad Cop avait fait le pari risqué de ne pas doubler les séquences en anglais et de laisser l'action se dérouler sans l'intervention d'une traduction qui puisse troubler l'attention. Le pari a payé à l'époque puisque, si l'on se souvient bien, ce titre a été l'un des plus grands succès de tous les temps au box-office pour un film québécois. Naturellement, Bon Cop, Bad Cop était, comme Funkytown d'ailleurs, un film complètement bilingue.
The High Cost of Living, qui sortait ce vendredi, est le plus récent de ces films québécois tournés en anglais qui verra des acteurs francophones connus se doubler eux-mêmes (Isabelle Blais, Patrick Labbé). Mais voilà, le film aura une sortie en salles limitée aux grands centres, comme quoi, les distributeurs ont appris des erreurs passées. Le problème du doublage, c'est que nous connaissons tellement bien nos vedettes que de constater l'absence de synchronisation entre lèvres et sons provoque un décalage. Lorsqu'un film américain est doublé, nous associons spontanément la voix du doubleur à l'acteur américain et cette distanciation est gommée. Ici, le fait que les acteurs doublent eux-mêmes leur propre voix fait peut-être partie du problème, puisque, au lieu de se faire oublier, la traduction est rendue encore plus visible (audible). Cependant, comment arriver à vendre l'idée d'essayer autre chose à nos artisans? C'est l'impasse.
Plusieurs productions québécoises, tournées entièrement ou en partie en anglais, ont subi l'infamante étape du doublage. Et le mariage entre l'image et le son n'a pas souvent été heureux...
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