Qu'ont en commun les franchises Harry Potter, X-Men, Twilight et maintenant Hunger Games, dont le plus récent volet, The Hunger Games: Catching Fire, deuxième de quatre, prenait l'affiche hier? Chacune a une armée de fans dédiés maîtrisant tous les détails de leur mythologie, et elles ont toutes connu un succès indéniable au box-office avec plusieurs centaines de millions de dollars chacune. Elles sont toutes adaptées d'une oeuvre littéraire, romans jeunesse ou BD, ayant déjà connu un fort succès en librairie. Elles sont toutes réalisées par... euh...
Lors de la sortie de Harry Potter and the Philisopher's Stone, premier volet de la série de films adaptés des romans de J.K. Rowling, en 2001, Warner Bros. savait qu'elle s'embarquait dans une immense aventure, qui devait finalement se terminer huit films et dix ans plus tard. Chris Columbus a donc réalisé les deux premiers films, avant de céder le flambeau à Alfonso Cuarón pour Harry Potter and the Prisoner of Azkaban. Mike Newell a réalisé le quatrième film, puis David Yates les trois derniers, dont les deux parties du dernier livre.
Le premier X-Men, sorti en 2000, a été réalisé par Bryan Singer, qui était aussi à la barre du deuxième volet, X2, sorti trois ans plus tard. Occupé à autre chose (nommément Superman Returns), il a laissé sa place à Brett Ratner pour X-Men: The Last Stand, puis à Matthew Vaughn pour X-Men: First Class, où Singer a tout de même agi à titre de producteur. On peut aussi compter à la série les deux films mettant en vedette Wolverine, qui ont été dirigés par Gavin Hood puis par James Mangold. À cela s'ajoutera X-Men: Days of Future Past qui est attendu l'an prochain et qui verra le retour de Singer derrière la caméra.
Le cas de Twilight est lui aussi assez incongru. Le premier film, Twilight, a été réalisé par Catherine Hardwicke, qui a ensuite été remplacée par Chris Weitz pour The Twilight Saga: New Moon. Lui aussi ne réalise qu'un film, puisque le troisième volet, The Twilight Saga: Eclipse, est plutôt chapeauté par David Slade. Le quatrième livre, scindé en deux parties (The Twilight Saga: Breaking Dawn - Part 1 et Part 2), est transposé à l'écran par Bill Condon.
Sorti en mars 2012, The Hunger Games était réalisé par Gary Ross. C'est Francis Lawrence, responsable de Constantine et de I Am Legend, qui s'est chargé du deuxième volet, dans les cinémas depuis hier, et qui sera également à la tête des deux prochains, The Hunger Games: Mockingjay - Part 1 et Part 2.
On constate que dans tous les cas, plusieurs réalisateurs se relaient pour porter à l'écran ces immenses franchises littéraires destinées au grand écran. Il y a bien sûr une question de disponibilités (certaines de ces franchises s'étalent sur plus de dix ans), quelques désintéressements, mais on peut peut-être aussi expliquer cette situation par des exigences salariales trop élevées, des producteurs et des studios déçus ou des conflits lors du tournage.
Ce phénomène n'est pas nouveau. On n'a qu'à penser à Star Wars. Le classique des classiques, dont le premier film, l'Episode IV, a été réalisé par George Lucas en 1977, alors que l'on doit l'Episode V à Irvin Kershner et le VI à Richard Marquand. Lucas s'est chargé de la nouvelle trilogie, mais a laissé sa place à J.J. Abrams pour les épisodes VII, VIII et IX, qui sont en préparation. Et le départ d'Abrams de Star Trek signifie qu'un nouveau réalisateur devra être trouvé pour la suite de Star Trek Into Darkness...
L'exception demeure le monde du Seigneur des anneaux, dont le plus récent film, The Hobbit: The Desolation of Smaug, sera à nouveau réalisé par Peter Jackson, comme tous les films qui l'ont précédé. À un certain moment cependant, Guillermo del Toro était attaché à cette adaptation de The Hobbit de J.R.R. Tolkien. Sa participation ne s'est pourtant pas concrétisée.
Cette manière de faire se rapproche de celle des séries télévisées américaines, où de nombreux réalisateurs et scénaristes se relaient souvent pour créer les 13 ou 24 épisodes d'une saison sous la gouverne d'un « showrunner », qui est chargé de la continuité du récit. Cela se rapporte évidemment aux franchises évoquées plus haut; inspirées d'oeuvres antérieures, elles ont déjà une cohérence interne (parfois théorique, voir Twilight) qui offre une ligne directrice à quiconque sera « responsable » de réaliser le film. Il ne faut pas non plus négliger qu'à Hollywood, plus les budgets sont élevés, plus les plateaux sont contrôlés, ce qui laisse encore moins de place à la créativité des différents réalisateurs.
C'est pour ces raisons que la plupart des films de ces franchises demeurent relativement cohérents entre eux même s'ils sont réalisés par des artistes différents.
L'exemple récent de House of Cards est très intrigant : on retrouve, parmi les réalisateurs de la première saison de cette série diffusée par Netflix, les noms de David Fincher - il réalise les deux premiers épisodes -, dont la filmographie comprend Fight Club, The Curious Case of Benjamin Button et The Social Network, en plus de ceux de James Foley, Charles McDougall, Carl Franklin, Allen Coulter (qui a réalisé des épisodes de The X-Files autant que de Sex and the City) ainsi que celui de l'inénarrable Joel Schumacher, dont la filmographie comprend des titres comme Batman and Robin, The Phantom of the Opera et The Number 23. Des styles complètement différents, qui forment tout de même un tout cohérent.
Est-ce le cas de toutes ces franchises? Malheureusement, non. Le cas de Twilight demeure l'un des plus éloquents en ce sens; les signatures complètement différentes des réalisateurs de la série en affectent beaucoup la continuité, les quatre réalisateurs provenant de milieux complètement différents, du film pour ados, à la comédie musicale en passant par le film d'horreur. C'est le problème majeur de cette manière de faire, quoique cela puisse aussi être un avantage si l'un ou l'autre ne convient pas au départ.
On pourra d'ailleurs bientôt examiner un exemple québécois : Il était une fois les Boys, réalisé par Richard Goudreau, est attendu le 6 décembre. Le producteur devenu réalisateur pour l'occasion prend le relais de Louis Saïa, qui a réalisé les trois premiers films, et de Georges Mihalka, qui était responsable du quatrième. On verra bien...