Avec la sortie du long métrage américain Mirror, Mirror, tourné entièrement à Montréal dans les studios Mel's, les médias parlent à profusion des avantages qu'apportent les tournages américains dans la métropole; augmentation des emplois, des ventes chez les fournisseurs et les commerçants, etc. Mais pourquoi nos voisins du Sud, qui ont accès à de l'équipement à la fine pointe de la technologie dans des lieux de tournage cloisonnés de plusieurs acres au coeur même d'un état ensoleillé, choisissent-ils notre pays nordique pour établir leur campement intérimaire?
La première justification - et la plus importante - en est une financière. Depuis le 12 juin 2009, les crédits d'impôt accordés aux productions étrangères sont passés de 25 % sur la main-d'oeuvre à 25 % sur toutes les dépenses (total du coût de la main-d'oeuvre et du coût des biens admissibles), ce qui s'avère très avantageux pour une production de plusieurs millions comme Mirror, Mirror. Le gouvernement du Québec a également bonifié l'aide fiscale - au taux de 20% - pour les effets spéciaux et l'animation informatique dans le but d'appuyer le développement technologique de l'industrie québécoise. Certaines productions ont même bénéficié de l'expertise des artisans québécois dans le domaine des services techniques sans utiliser nos installations de tournage. Par exemple, The American, filmé en Italie, et The Twilight Saga: Breaking Dawn - Part 1, tourné à Vancouver, ont requis l'aide de l'entreprise Modus FX, située à Sainte-Thérèse dans les Laurentides, pour réaliser quelques-uns de leurs effets spéciaux.
Évidemment, ce ne sont pas que les Américains qui profitent de cet amendement aux crédits d'impôt. Les tournages étrangers apportent un roulement évident dans l'économie du Québec. Dans le cas de Mirror, Mirror par exemple, la production hollywoodienne, qui profitait d'un budget de 150 millions $, a embauché 400 personnes de la région en plus de leur équipe déjà en place. Ces gens ont, bien entendu, utilisé nos ressources et consommé nos produits, ce qui engendre invariablement un roulement irréfragable dans notre économie. Le transfert d'expertise, de connaissances est également un point positif de ces tournages étrangers. Lorsqu'un film américain débarque avec ses standards et ses façons particulières de travailler, l'équipe locale doit s'adapter et apprend forcément de cette expérience nouvelle.
Les techniciens et artisans québécois ont eu la chance d'acquérir de nouvelles expertises en grand nombre ces quatre dernières années puisque de nombreuses productions états-uniennes ont foulé notre sol. Mis à part Mirror, Mirror, sorti en salles ce vendredi, les films Journey to the Center of the Earth, The Curious Case of Benjamin Button, Punisher: War Zone, The Mummy: Tomb of the Dragon Emperor, Death Race, Orphan, Whiteout, Beastly, Source Code et Immortals ont récemment été tournés à Montréal. The Words, Upside Down et On the Road, qui prendront tous trois l'affiche en 2012, s'ajoutent également à cette longue liste.
Certaines productions sont même célèbres chez nous spécifiquement pour avoir été tourné dans la province. Taking Lives de D.J. Caruso, qui mettait en vedette Angelina Jolie dans le rôle d'une agente du FBI sur les traces d'un tueur en série, est connu par les Québécois pour avoir présenté le Château Frontenac comme partie intégrante de la ville de Montréal - le genre d'incongruités qui dérangent uniquement les Québécois. En fait, les oeuvres qui ont été tournées chez nous dont on se souvient le plus sont généralement celles qui présentent de véritables images du Québec, certains monuments ou lieux significatifs de notre patelin. La comédie noire The Whole Nine Yards avec Bruce Willis est mémorable par plusieurs à cause, entre autres, des images du pont Jacques-Cartier, et Catch Me If You Can de Steven Spielberg est fameux notamment pour les quelques clichés de l'église Notre-Dame des Victoires, située au centre-ville de la Capitale nationale, que le film nous dévoile en conclusion.
Il n'y a pas que des lieux connus qui peuvent nous faire sursauter dans des films tournés chez nous, des visages aussi. Lorsqu'on aperçoit des comédiens québécois dans des oeuvres cinématographiques américaines, c'est souvent le signe que le long métrage en question a été tourné chez nous. Récemment, on a pu apercevoir Roc LaFortune incarner le père de Vanessa Hudgens dans Beastly, Frédérick De Grandpré être le véritable visage du personnage de Jake Gyllenhaal dans Source Code, et Robert Naylor (10 1/2) sous les traits d'un jeune Thésée dans le film Immortals.
Certains diront peut-être que c'est par l'argent des contribuables que sont payés les crédits d'impôt qui encouragent les producteurs américains à choisir le Québec, mais le rayonnement que ces films apportent à la province et les emplois que ces productions massives créent valent bien les sommes administrées. Mais avec les quelques complications répertoriées ces derniers temps autour des films américains devant être tournés chez nous - Steven Spielberg qui repousse le tournage de Robopocalypse à une date ultérieure et Roland Emmerich qui connaît des problèmes légaux avec Singularity -, on doit peut-être questionner la rentabilité éphémère et l'exostisme de Montréal pour les Américains, toujours charmés - au début... - par différents pays et différentes ristournes.