Comédies d'horreur, thrillers comiques, films policiers surnaturels, drames historiques d'horreur et maintenant, western de science-fiction, on se casse désormais la tête pour divertir les masses. À la manière d'une pizza hawaïenne, de plus en plus de cinéastes semblent chercher à réinventer une recette classique en combinant un ou plusieurs ingrédients apparemment incompatibles et ce, avec des résultats plus ou moins savoureux. Les genres, autrefois définis par une série de codes et de référents, sont désormais étroitement amalgamés dans un traitement qui rend difficile la classification des films dans telle ou telle catégorie. Les amateurs de films inclassables se donnent d'ailleurs rendez-vous ces jours-ci au Festival Fantasia dont la programmation réunit une quantité impressionnante de ces titres éclectiques, en provenance des quatre coins du monde. Avec ces nouvelles façons de concevoir le Septième Art, la postmodernité atteint de nouveaux sommets.
Car le postulat est clair : pour réussir à se démarquer de la concurrence et amener le public en salles, il faut le surprendre (mais pas trop!). Scénariser une histoire originale demande du temps, ainsi, certains empruntent un dangereux raccourci : il est parfois plus simple de s'attaquer au genre lui-même. C'est pourquoi il arrive que l'idée à la base d'un film soit le concept d'abord et que l'histoire arrive ensuite. Et cela peut causer problème. De croire que prendre des cowboys et des extra-terrestres et de construire une histoire autour de ce mélange des genres surprendra l'auditoire est une chose, mais de croire en plus que cette surprise suffira à l'amener en salles, par simple curiosité, en est une autre. Malheureusement pour Cowboys and Aliens, il se pourrait bien que, suite au visionnement de la bande-annonce, l'intérêt du public ne dépasse pas le stade du haussement de sourcils. Parce qu'avant tout, le cinéma est un transmetteur d'émotions et que l'émotion passe par l'histoire, le film ne pourra obtenir de bons résultats que si ceux qui décident d'aller le voir en salles en parlent beaucoup, et en bien. Parce qu'à elle seule, la bande-annonce « n'annonce » justement pas grand chose...
Or, l'importance de miser sur une intrigue forte n'est pas l'unique vertu pour ce type de films hybrides. Tout dépend des genres que l'on associe et de la manière avec laquelle on traite l'ensemble. Dans le cas du western et de la science-fiction, il s'agit d'un mélange particulièrement difficile. Le problème est que les classiques de ces deux genres ont toujours pu miser sur des histoires profondes, baignées de mythologie et de symboles et sur l'interprétation charismatique d'acteurs de talent. Donc, si Cowboys and Aliens n'arrive pas à livrer la marchandise et à combler les attentes des spectateurs amateurs de ces genres, il se pourrait que leur déception se traduise par des commentaires dévastateurs. Ces derniers pourraient fort bien dire du film de Jon Favreau que le Tout, au lieu d'être supérieur à la somme de ses parties, n'est à l'inverse ni digne d'être qualifié de western, ni de film de science-fiction.
Car à trop vouloir en faire, parfois on se perd et dans certaines situations, la simplcité est un atout majeur. C'est le cas lorsque l'on parle de films d'horreur et de comédies, mais il ne faut pas confondre simple avec simpliste. Il est indéniable que les codes de ces deux genres sont plus compatibles entre eux que ceux du western peuvent l'être avec ceux de la science-fiction. À tel point même que leur mise en application simultanée est un processus quasi symbiotique. Parce qu'il n'est pas rare que l'on rie de nervosité face à l'horreur, et parce que certains des classiques de l'horreur vieillissent si mal qu'ils nous font désormais rire au lieu de crier, l'hybridation éventuelle de ces deux genres semblait presque inévitable, voire naturelle.
La suite volontairement risible de The Evil Dead de Sam Raimi, intitulée Army of Darkness, a parti le bal au début des années 90 et lorsque Wes Craven s'est ouvertement moqué de ce qui faisait sa marque de commerce (dans Scream, Scream 2, Scream 3) en détruisant des codes qu'il avait lui-même appliqués scrupuleusement dans la série des Nightmare on Elm Street, il a défoncé une porte où bien d'autres se sont engouffrés par la suite. Depuis, horreur et comédie sont de plus en plus souvent associées. Que l'on parle de Shaun of The Dead, de Lesbian Vampire Killers, de Drag me to Hell ou de l'excellent Zombieland, les comédies d'horreur ont la cote.
Par contre, ce n'est pas parce que certaines combinaisons sont plus naturelles que tous ceux qui s'y frottent obtiennent du succès. La qualité du scénario et la compétence de la réalisation, comme dans toute oeuvre cinématographique, jouent un rôle capital. Ce qui n'est pas efficace sur papier ne peut non plus l'être sur grand écran et ce, peu importe les effets visuels qu'on y ajoute. Le désastreux Season of the Witch, sorti il y a quelques mois, nous permet d'affirmer qu'un suspense fantastique inefficace demeurera inefficace et ce, même si l'histoire se déroule au Moyen-Âge et que les acteurs revêtent des beaux costumes... À l'opposé, un film policier, combiné à un drame historique, peut devenir un véritable bijou lorsque la sobriété d'un réalisateur comme Jean-Jacques Annaud et la plume érudite d'un Umberto Eco se donnent rendez-vous à l'écran (The Name of The Rose).
Toutefois, le cinéma postmoderne, caractérisé par l'autodérision, le recyclage incessant des symboles et les nombreuses références au patrimoine culturel du passé, ne peut échapper à l'essoufflement. Parce que toute chose a été dite et redite jusqu'à épuisement, le fait de chercher des réponses dans les croisements de genres n'est pas une mauvaise idée en soi. Ce travail ardu, celui de réinventer de nouveaux codes, nécessite une culture cinématographique et une sensibilité artistique que peu de créateurs possèdent. Arriver à surprendre le public de nos jours relève presque de l'exploit. Dans une société saturée d'images, le moyen le plus sûr d'attirer l'attention demeure de présenter ces images d'une manière surprenante. C'est pourquoi les amateurs de fast-food culturel que nous sommes aiment bien, malgré tout, consommer une bonne pizza cinématographique de temps à autre...