Au fil des années, des innovations technologiques et grâce à l'arrivée de nouveaux créateurs dans le paysage cinématographique québécois, notre cinéma s'est considérablement diversifié, s'aventurant maintenant vers des styles moins conventionnels, moins résignés. Sans abandonner complètement la comédie, qui définit notre cinéma populaire depuis des décennies - on ne peut citer Cruising Bar, Les Boys ou La guerre des tuques, sans parler d'oeuvres tournantes et significatives -, les cinéastes osent maintenant discourir sur des sujets plus tabous, ou développer des genres spécifiques, généralement réservés aux Américains, comme les films pour adolescents (À vos marques... Party!, Le journal d'Aurélie Laflamme) ou les comédies romantiques (Nez rouge, Les aimants).
Des raisons techniques expliquent, entre autres, ce récent phénomène de diversité. Avec l'émergence du numérique et les moindres coûts affiliés à cette nouvelle technologie, certains créateurs, plus atypiques et dont les projets étaient refusés par les institutions, peuvent maintenant produire leurs oeuvres sans l'appui gouvernemental, et à moindre coût. C'est ainsi que l'on a pu voir naître récemment les films J'ai tué ma mère et 2 Frogs dans l'Ouest, tous deux boudés par les institutions.
Diversité ne rime malheureusement pas toujours avec qualité. Il faut, évidemment, encourager, d'une certaine façon, notre cinématographie si on veut la garder vivante, mais cela ne signifie pas de subventionner la médiocrité. L'exemple le plus récent est le film Le poil de la bête, de Philippe Gagnon. Soit par manque de budget, de structure ou bien tout simplement d'habileté, le long métrage, qui entre pourtant dans cet esprit de multiplicité des genres, ne fonctionne pas cinématographiquement parlant. Et ce n'est que pas que les critiques (que l'on accuse souvent - à tord ou à raison - de ne pas apprécier les films populaires) qui semblent y avoir trouvé des failles, les 112 446 $ amassés aux guichets (selon les chiffres de l'agence Cinéac) prouvent l'intérêt mitigé des Québécois pour cette production, qui est affligée par un manque de budget. Mais est-ce le jugement médiatique défavorable qui a entraîné les spectateurs à choisir un autre titre pour leur divertissement ou le mélange des genres « aventure fantastique » et « production québécoise » qui laissent les cinéphiles perplexes?
Certains créateurs ont eu un rôle proéminent à jouer dans la diversification du cinéma québécois. Qu'on aime ou pas, Érik Canuel a changé le visage de notre cinématographie moderne en offrant aux spectateurs une comédie d'action aussi bonne, sinon meilleure, que ces oeuvres usinées et impersonnelles que nous proposent régulièrement nos voisins du Sud. Bon Cop, Bad Cop, avec sa saveur patriotique et ses effets spéciaux de grande qualité, était le film québécois ayant amassé le plus d'argent au box-office avant d'être détrôné l'an dernier par De père en flic (on n'abandonnera pas si facilement nos comédies) et a ainsi prouvé, d'une certaine façon, que le cinéma québécois n'était plus qu'un cinéma d'auteur, réservé à une élite cinéphilique.
La productrice et scénariste Caroline Héroux a également transformé, à sa manière, notre cinéma en développant À vos marques... Party!, le premier film pour adolescent, ainsi que Sur le rythme, un film sur la danse qui prendra l'affiche en août prochain. Ce dernier genre a connu un succès considérable - au Québec et ailleurs - dans les années 2000. On se souviendra de Save the Last Dance, Honey et de la franchise Step Up (le plus récent chapitre, Step Up 3, a cumulé jusqu'à maintenant 3 297 421 $ chez nous) qui ont sûrement encouragé Mme Héroux à se questionner sur la pertinence de produire notre version « made in Quebec ». Podz, en plus de son percutant 10 ½ (en salles depuis vendredi), fait également partie des cinéastes qui ont chamboulé nos standards avec Les sept jours du Talion qui, malgré sa notice 16 ans et plus (violence/horreur), a récolté 1 060 806 $ au box-office québécois. Assez inhabituel pour un film québécois.
Mais même lorsque le cinéma québécois aura acquis ses lettres de noblesse pour les films de genre, même lorsque la preuve sera établie que nous pouvons faire des longs métrages de genres différents aussi bien que les Américains, il restera la question délicate du marketing à régler. Les Américains, avec leurs moyens financiers démesurés et leur campagne promotionnelle à grand déploiement, sont, incontestablement, des adversaires pervers pour les Québécois, qui font de leur mieux pour promouvoir la sortie - souvent limitée - de leurs films, avec bien moins de ressources. Des effets spéciaux, des costumes, des décors d'époque ainsi que des outils sophistiqués pour la post-production, ça coûte cher. Il reste donc peu d'alternatives pour l'élaboration de campagnes publicitaires d'envergure. Mais une chose à la fois. Lorsqu'on saura produire un film de science-fiction sans le préfixe « comédie de » et lorsqu'on saura donner vie à un loup-garou sans qu'il est l'air d'un singe handicapé, peut-être pourrons-nous nous aventurer dans la conception de campagnes virales ou à large portée. Pour l'instant, il ne reste plus qu'à attendre que d'autres visionnaires nous confirment que nous pouvons encore nous surpasser et battre les Américains dans un domaine où ils excellent.